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particulière, durent acquitter le prix d’achat. Ils subirent la charge de cet impôt et se consolèrent peut-être en pensant que les dépenses en bâtiments profitent à tous les corps de métier et à tout le commerce. Hélas ! le roi Jean revint d’Angleterre un peu trop tôt. Il prit l’argent de la taille, l’employa pour d’autres besoins, et leva un second impôt. Deux fois payé, l’Hôtel Saint-Pol ne parut pas au brave peuple une occasion de « grand esbatement ».

Charles, devenu roi, fit ce qu’il avait fait étant régent : il bâtit. Il éleva le Louvre de deux étages, acheva et décora le château de Vincennes, créa dans un site charmant le manoir de Beauté où l’on admirait des orgues et des tapisseries de Flandre et des volières peuplées de rossignols. L’Hôtel Saint Pol s’agrandit encore. Entre tous les logis qui le composaient, Charles V avait élu pour l’habiter celui des archevêques de Sens. Il y voulut tout le luxe et tout le confort possible en un temps moins barbare qu’on ne l’a représenté. Il eut sa chambre de parade, et sa chambre à coucher plus intime, dite « la chambre où gît le roi » ; sa chambre d’étuves pour ses bains, et deux pièces formant appartement d’hiver, bien pourvues de poêles ou chauffe-doux. Certes, la sagesse de ce roi n’était ni austère ni chagrine. Sagesse ou plutôt sapience. Charles V était un homme de cabinet. Il détestait les jeux violents, y compris les tournois. Son plaisir était de construire, de décorer ses maisons, d’y amasser des trésors secrets et d’y goûter les loisirs de l’esprit, dans une belle bibliothèque. Il aimait les livres autant que les moellons. On le voit, ce bon roi au long nez un peu dévié, au chaperon de brocart