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avant l’amour

t’a confiée à nous en mourant… Ah ! ma fille, que cette révélation n’ébranle pas le culte que tu as voué à sa mémoire. Elle a tant aimé, tant souffert !

Je pris ma tête dans mes mains… Chère maman ! Dieu sait que rien ne prévaudrait contre le tendre respect que je gardais pour elle. L’auréole d’un amour embellissait sa beauté maladive, sa grâce touchante que mon souvenir ressuscitait. Plus que jamais je la chérissais dans sa tombe avec le poignant regret de n’avoir pu grandir près d’elle et réparer à force de tendresse, l’injustice de son destin. Mais au fond de moi germait une secrète colère contre ce père dont j’ignorais le nom, ce père dont je n’avais reçu ni soins ni amour, sauf le dangereux héritage du tempérament et des instincts. Car je pressentais que je devais lui ressembler plus qu’à ma faible et douce mère. Il m’avait transmis ces yeux de violette, ces cheveux de ténèbres, cette ardeur du sang qui se révélait en moi dès l’enfance. Et l’impuissance de connaître le mystère du