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avant l’amour

Madame Laforest avait déroulé un cahier de musique manuscrite qu’elle posa sur le piano. Rambert avait pris son violon. Madame Gannerault annonça :

— Scènes populaires. Le crépuscule des moissonneurs.

On écouta.

C’est le soir, en août. Le couchant rougit les meules. La neige d’or des nuages se fond dans un ciel verdissant. La terre, encore brûlante et craquelée, exhale une odeur vivante, et la sauterelle, âme des blés, jette sa note grêle entre les chaumes. Les moissonneurs reviennent par les sentiers d’herbe et de pierres, entre les champs rasés. Et à pleine voix, à l’unisson, ils chantent une légende très naïve, très ancienne, qui monte dans la sérénité du soir.

— La complainte de la marée, annonça ma marraine.

Un chant de pêcheur breton, raccommodant ses filets sur la grève, en face du flux montant de l’Atlantique. Je ferme les yeux. Et des