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avant l’amour

reur de vivre sans toi. J’avais juré de me guérir de cet amour — ma torture ! Tu l’as compris, tu sais pourquoi je suis devenu féroce envers tous, pourquoi j’ai entrepris cette folle et périlleuse polémique, cherchant ce vertige du danger. Stupide que j’étais ! Est-ce qu’on t’oublie, toi, quand on t’a connue ? Ah ! si tu savais combien peu me tenaient au cœur ces haines, ces ambitions, passions artificielles jetées, sans le combler, dans le grand vide de ton amour. Guillemin, Sidley, les journaux, le duel, madame de Charny que j’ai quittée, mes amis, mes ennemis, les insultes, la mort, qu’est-ce que tout cela ? Je suis si loin de tout et de moi-même… Il fallait donc toutes ces douleurs, toutes ces fautes, et mon désespoir et ta pitié pour que nous fussions l’un à l’autre, déchirés, sanglants, mais réunis.

Je levai les yeux vers lui. Une exaltation farouche précipita ses paroles :

— Non, nous ne pouvions oublier. Oh ! tant de larmes, tant de baisers, une intimité si