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avant l’amour

gré de ménager sa mère, tout à fait incapable de surmonter la moindre émotion. Pourtant, quand il la quitta, sur le quai de la gare, il renouvela plusieurs fois le baiser d’adieu, contre sa coutume, car les caresses filiales ne lui étaient pas familières. Il me prit la main, la serra doucement et me regarda d’un grand regard énigmatique où je n’osai lire le désir et le regret d’un baiser qui, à cette minute, eût pris la solennité d’un adieu peut-être éternel. Hélas ! rien ne s’abolit, rien ne s’efface, et si je pouvais haïr Maxime, je ne pouvais me désintéresser de lui. Le passé tressaillait en moi devant cet homme qui m’avait aimée et tenue dans ses bras, pâle et sans défense. Une voix me criait que c’était horrible de nous séparer ainsi. Mais je ne fis pas un geste ; je ne prononçai pas une parole. Le train siffla en fuyant dans la nuit et je retournai à la maison, le cœur gonflé, les nerfs tendus, prête à des sanglots dont je ne voulais pas m’avouer la cause.