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avant l’amour

conserverait ces maudites lettres dont les termes permettaient la plus dangereuse équivoque ? Maxime l’avait dit ; éternellement, il me barrerait l’avenir. Je ne devais pas compter sur sa clémence. Pourtant cette menace constante me troublait peu. Je pensais au mariage comme à une probabilité lointaine, qui ne m’intéressait guère. Mon cœur me semblait séché et non brisé, impuissant à ressentir jamais aucune émotion forte. L’univers entier lui était étranger.

Lentement, les bourgeons s’étaient dépliés : l’enfance des petites feuilles riait, tendre et verte, sur les rameaux noirs. Le ciel balayé s’épura. Et la mélancolie, le trouble du printemps émurent ma jeunesse, tandis que je rêvais sous les pommiers en fleur. Trouble très doux et non pareil aux langueurs fiévreuses des autres printemps. Ah ! si une âme pouvait fleurir en moi, nouvelle, pour un nouvel amour ! Des pensées de compassion, de tendresse, hantèrent ma solitude. Ma marraine s’attendrit sur ma prévenante affection.