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avant l’amour

ment. L’horizon s’élargissait devant moi et je comprenais que la volonté de vivre n’est pas l’effrénée volonté de jouir. Le tumulte de mes sentiments s’était apaisé devant ce cadavre et je songeais :

« Tu as appelé l’Amour ?… As-tu connu les vertus qu’il exige : simplicité, abnégation, patience, goût délicat de la pureté ?… L’obscur appétit de la chair, la fièvre d’une imagination enivrée par la jeunesse n’ont-ils pas égaré ton pèlerinage vers des routes où l’Amour n’a jamais passé ?… Tu as suivi le passant qui faisait miroiter devant tes yeux curieux de vierge les facettes étincelantes de son désir… Et tu as chéri son désir, fille orgueilleuse ! L’homme s’est transfiguré sous ce reflet… Regarde-le, dépouillé de l’ancien prestige… Il est brutal, il est âpre et volontaire ; c’est un homme de proie… Tu ne l’as jamais aimé. »

La chambre d’hôtel, payée par madame de Charny, les explications cyniques que Maxime avait murmurées à mon oreille — pour me