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avant l’amour

délicieuse où, sous les étoiles, les cheveux de Rambert frôlaient mes cheveux, il gardait sur les lèvres le goût des baisers d’une autre, l’image d’une autre dans son cœur. Sa fantaisie m’avait élue pour jouet et j’avais payé son caprice du don de mon âme… Dérision, triste dérision ! Qu’ils avaient dû rire, plus tard, de ma sottise, railler ma simplicité de pensionnaire, et ma confiance imprudente et la pauvre lettre où parlait mon cœur. Et cet homme, dont les prunelles, l’accent, le geste m’avaient conquise, en qui j’incarnais mon rêve de fidèle et fier amour, cet homme que j’attendais avec tant de ferveur, avec tant d’humble tendresse, le hasard le remettait sur ma route, sa maîtresse au bras, à l’instant même où croulait ma foi dans la justice du destin…

Oublier !… Oublier !… Ce sentiment puéril et torturant, né de ma chimère, nourri par elle, ce n’était pas, ce ne pouvait pas être l’absolu, l’éternel amour. Je me consolerais ; je guérirais… Oui, pour échapper à la fascination