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avant l’amour

secrète de sa vie, je cédais à la douceur de mettre un peu de joie dans le présent et d’étendre ma tendresse comme un voile sur le passé et l’avenir. Enfermés dans l’instant délicieux, la main dans la main, nous jouissions de rêver ensemble, lui frémissant, moi paisible, sans méfiance, sans crainte, sans honte, parce que j’étais sans amour. Alors, comme appesantie d’une tendre langueur, la tête de Maxime cherchait mon épaule : ses lèvres effleuraient ma joue de timides baisers et je ne me dérobais plus, heureuse de lui faire cette aumône d’un bonheur que je ne partageais pas. J’aimais à le sentir si doux et si faible, et passant mon bras autour de son cou, caressant ses cheveux, j’endormais dans un dangereux délice cette passion d’homme, humble comme un chagrin d’enfant… « Ah ! quelle ivresse !… » balbutiait-il dans mes cheveux, vaincu par une émotion dont je ne soupçonnais pas le caractère. « Quelle ivresse, Marianne, et quelle tentation ! — Chut ! répondais-je… Sois sage. » Mais une brume ternis-