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avant l’amour

— Ta lettre…

— Bah ! j’ai bien le temps.

Il repoussa le carré de vélin parfumé avec ce geste irrité des amants qui n’aiment plus et semblent écarter d’eux l’image et le souvenir de la maîtresse importune.

J’insistai.

— Lis… Il faut que tu lises… J’attendrai…

Il lut. Assise dans l’unique fauteuil, je regardais tour à tour les meubles vulgaires de la chambre, le papier à fleurs bleues, la mousseline usée des rideaux, les titres des volumes épars, les cendriers pleins de débris de cigarettes, et Maxime lui-même, dont le désordre matinal, les cheveux emmêlés, la chemise lâche accusaient l’air las et chagrin. Il n’était pas beau, décidément. Jamais ce profil sévère, ce front hautain, n’éveilleraient en moi un désir de tendresse plus intime, l’émoi amolli d’une langueur. Près de lui, je respirais un air de bataille ; mes forces d’agression et de résistance s’exaltaient : sa voix sonnait dans mon