Page:Tiercelin - Ropartz - Le Parnasse breton contemporain, 1889.djvu/25

Cette page n’a pas encore été corrigée

CHAULES BAUDE DE MAURCELEY,

Reprit le grand chemin qui menait au perron
De l’élégant manoir. Là, lierre et liseron
Flanquaient d’ornements vifs les granits de vingt marches
Et, dans le vestibule ouvragé sous des arches,
Elle s’enfuit, légère, en chantant un vieil air,
Un lambeau de chanson très douce, en rythme clair...
A table, on nous plaça l’un à côté de l’autre...
(Je n’aurais pas donné ma place pour la vôtre).
Je regardais ses mains, sa nuque et ses cheveux,
En me disant : « C’est bien la femme que je veux. »
Nous avons quelquefois de ces cris dans nos êtres ;
Souvent, il nous suffit, aux balcons des fenêtres,
Aux bords d’une avant-scène, au détour d’un chemin,
D’entrevoir un bonheur, perdu le lendemain !
Un frôlement de robe, un regard, un sourire,
Nous donnent quelquefois l’occasion d’écrire.
Un rien peut nous livrer au rêve le plus fou...
En voulant trop monter, nous nous cassons le cou.
C’est l’histoire du monde en un instant vécue :
L’àme rêve un triomphe et la bête est vaincue !
Tout s’efface à la fois : image, amour, espoir ;
Le Matin n’est qu’un rêve et nous tombons au Soir,
Au Soir anéanti des voûtes sans étoiles,
Au Soir décourageant des tristesses sans voiles.
Nous nous enténébrons en nous retrouvant seul,
Et le lit qui nous prend a des airs de linceul...
Avez-vous éprouvé cet effet magnétique
Qui veut qu’en rencontrant, par quelque jour mystique,
Une femme inconnue, au regard attirant,
Vous ressentiez, soudain, le charme d’un courant ?
On voudrait la poursuivre et lui dire ces choses
Qui naissent galamment des passions écloses ;
Mais la femme est partie et le rêve est brisé :
Vous avez tout perdu pour n’avoir point osé.