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PRIMEVÈRES


« Même ici, pense-t-il, il faut qu’on déménage. »
Et toujours goguenard : « Pauvre vieux ! à son âge !
Quant à sa mère, elle est du côte des grands murs.
C’est le sol le meilleur de toute la presqu’île…
D’ailleurs, dans cet endroit, les morts ne sont pas mûrs
Et la vieille y pourra longtemps dormir tranquille.

Du côté de sa femme, il est en paix. Les morts
Négligés nous causant et soucis et remords,
Il s’est dit qu’il fallait très bien faire les choses.
Il a donc acheté la place pour trente ans ;
Il a planté dessus des pâquerettes roses,
Qu’il va soigner parfois, les soirs qu’il a le temps. »

Au milieu de ses morts, Jean est heureux de vivre.
Pourvu qu’il mange ferme à midi, qu’il s’enivre,
Le soir, quand son travail est fini, tout est bien…
« Il est vrai que, depuis six mois, la mort fait rage,
Et qu’être, en même temps, fossoyeur et gardien,
Si ça devait durer, ce serait trop d’ouvrage.