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ment à des personnalités. Et c’est sur les habitants que tous ces mais s’abattent. Que voit-on dans ces belles promenades et dans ces belles places ? Regardez passer tous ces gens, et Manet les nomme au passage :

« Ce pauvre naufragé du déluge révolutionnaire, marchant le front humilié ; et cet héritier de Robespierre aux mains encore rouges de sang, trottant fièrement, la tête haute, prêt à cracher au visage des victimes dont il regrette de ne pouvoir plus consommer le meurtre : ce professeur émérite dans le noble art de boire, fléchissant sous l’influence du rameau de gui : et ce cortège bruyant de polissons, saluant d’un haro général ce vieux silène ; ce maigre rentier végétant sans honneurs dans ses foyers domestiques ; et ce gros industriel fou d’un bon dîner ; ce pétitionnaire important renvoyé par les distributeurs des grâces au médecin des fous ; et cet être sans nom dont les grands cercles ne valent pas mieux que les épicycles ; ces beaux messieurs et ces belles dames ensevelis sous la dentelle, le velours et le drap d’or ; et ces misérables hères à demi cachés sous leurs guenilles ; ce jeune insensé, livré à toutes les illusions de l’amour, qui croit voir dans l’objet aimé un objet divin ; et cette rustique Galathée qui écoute les