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Ô terre de l’ennui, morne pays de Rennes,
Où la route serpente au fond des vastes plaines,
Où le sol affaissé, sans sève et sans sommets,
Perd l’horizon du ciel sous les flots des forêts ;
Champs aux fossés touffus tout recouverts de chênes,
Dont les troncs émondés n’ont que des branches naines,
Vieux arbres mutilés où le vent sans échos
Passe impuissant et mort dans les bois sans rameaux ;
Contrée aux flancs taris, monotone nature,
Sans souffle, sans oiseaux, sans hymne, sans murmure,
Aux rivières de rmant dans les ajoncs épais,
Aux plaines de blé noir, de lande, de genêts,
Aux murs de terre jaune, aux foyers en décombres,
Aux vieilles croix en bois, au bord des chemins sombres,
Aux sentiers s’enfonçant sous les taillis ombreux,
Où les Chouans cachés frappaient sans peur les Bleus ;
Aux paysans trapus vêtus de peaux de chèvre,
Passant d’un air farouche et tout pâles de fièvre ;
Pays mort, sans élan, aux bas et lourds clochers,
Dont les flèches d’ardoise, au sein des verts halliers,
Montant d’un vol pesant, sans essor et sans aile,
Donnent à peine au cœur la pensée éternelle,
Et perdant à demi les fourrés de leurs croix,
Semblent des mâts noyés dans l’océan des bois.


Un Rennais, M. Raoul de la Grasserie, savant doublé d’un poète, n’a pas été clément pour sa ville natale :

Comment te chanter, ma ville natale !
Dans tes monuments tu n’as rien de beau.
Le soir, un gaz maigre éclaire un tombeau,
Des sombres Bretons terne capitale.