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Cela m’étonne, et je dirai pourquoi. Brizeux, grand arpenteur de pays, ne chassait pas, et il y avait, à cette horreur de la chasse, des raisons de sensibilité qu’il a contées dans la pièce intitulée La Mort d’un Bouvreuil.

Il avait quinze ans ; on lui avait mis au bras son premier fusil, il allait par les champs, tout à la joie d’avoir fui l’école et à l’espoir de rapporter un glorieux butin. Un bouvreuil parait, Brizeux vise, le coup part. Hélas ! la pauvre petite bête en tenait dans l’aile.

De son gosier saignant un petit cri plaintif
Sortit, quelque duvet vola de sa poitrine.
Puis, fermant ses yeux clairs, quittant la branche fine.
Dans les joncs et les buis de son meurtre souillés.
Lui, si content de vivre, il mourut à mes pieds.

Je le connais, le grand serment que le poète fit alors, pour l’avoir fait moi-même, au même âge, après un meurtre semblable ; je jetai mon chapeau sur l’oiseau tombé à terre et dont je n’osais pas regarder les derniers battements d’ailes et je rentrai tout triste à la maison. J’aurais pu, moi aussi, écrire ces vers du doux Brizeux :

Oui, sur ce chanteur mort pour mon plaisir d’enfant,
Mon cœur à moi, chanteur, s’attendrit bien souvent.
Frère ailé, sur ton corps je versai quelques larmes ;
Pensif et m’accusant, je déposai les armes…
Ton sang n’est pas perdu. Nul ne m’a vu depuis
Rougir l’herbe des prés ou profaner les buis.