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BRETONS DE LETTRES

Comme Brizeux et comme Lamennais, il voulut qu’on respectât la vie des arbres. Il se blâme d’avoir laissé abattre ses chênes :

Ô vous qui prêtiez votre ombrage
À mes loisirs, à mes amours,
Ô compagnons de mon jeune âge,
J’aurais dû vous garder toujours.

Quelque hiver, alors que tout tremble,
La vieillesse m’aurait vaincu ;
Nous aurions dû mourir ensemble,
Ainsi que nous avions vécu.

Brizeux, dans une de ses lettres, l’appelle « un frère en poésie ; » c’est qu’il était son frère d’âme vraiment, par cette incomparable bonté.

Il y a dans ses poésies posthumes une pièce intitulée Un remords que je veux transcrire ici, parce qu’elle est un témoignage encore de la douceur de son âme et qu’elle est en même temps l’une des plus parfaites qu’il ait écrite. C’est un sonnet : le voici :

Un jour, j’étais couché sur mon lit de repos,
Je lisais au hasard, et, jetant là l’ouvrage,
J’aurais pu comme Hamlet dire « Des mots, des mots ! »
L’enfant vint ; sur le mien il posa son visage.

Il voulut, c’était la gentillesse de l’âge,
Faire semblant de lire et moi, d’un dur propos,
Je rudoyai l’enfant et, lui tournant le dos,
De l’éloigner de moi j’eus le triste courage…