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II. LUCAS AU TEMPLE DU CERISIER

m’avait pris de m’arrêter à Notre-Dame et j’avais comme un regret croissant de n’assister pas à la messe de minuit. Pendant tout le trajet, les souvenirs d’enfance m’avaient assailli au son des cloches, et j’en étais arrivé à me blâmer comme d’une faute d’aller à cette soirée mondaine, alors que, vers l’Église, une voix, la voix de mon passé et de mon pays, m’appelait.

Quand j’entrai dans le salon, une tiédeur parfumée m’enveloppa ; il y avait des fleurs dans les vases et le feu flambait dans la cheminée. Tout autour, des hommes de lettres, des artistes et quelques femmes étaient là. Je ne sais pourquoi ces habits noirs et ces épaules nues me choquèrent ; il me sembla qu’il y avait comme une inconvenance à cette réunion, à pareille heure, ce jour-là, et que je n’aurais pas dû me mêler à cette fête. La conversation fut ce qu’elle est entre gens du monde des lettres, dans un salon où l’on ne reçoit que des gens de lettres bien élevés et pourtant les mots me faisaient l’effet de dissonances, et certaines paroles me blessaient au cœur. De plus en plus, ce contraste m’affligeait, de certaines nuits passées en Bretagne, dans l’attente de la messe, au coin du feu, avec cette soirée parisienne, où pas un mot n’était