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II. LUCAS AU TEMPLE DU CERISIER

que la Poésie couvrait de son aile protectrice ; un certain règlement même en interdisait l’entrée aux profanes, et nul ne pouvait s’y asseoir avant d’avoir témoigné, fût-ce par un distique, de sa compétence de poète.

C’est à l’une de ces petites fêtes, dont le siège était, croyons-nous, au restaurant Marguerite, au coin de la rue aux Foulons, dans la maison où est maintenant la boutique du libraire Fougeray, qu’un jeune ingénieur, qui avait imprudemment sollicité son admission dans la bande joyeuse, improvisa, pour obéir à la règle, le fameux quatrain que voici.

Le moment de l’entremets était venu, mais avant d’y toucher, Le P***, le récipiendaire, devait faire connaître son œuvre. Il demanda du papier, un crayon ; puis, après quelques instants de recueillement, il griffonna quatre lignes, se leva et lut :

Si je voyais ma maîtresse,
Que serait-ce, que serait-ce ?
Mais si jamais je l’embrasse,
Que sera-ce, que sera-ce ?

Des rires prolongés sonnèrent un carillon de joie en l’honneur de cette inconsciente bouffonnerie, où l’inspiration de M. Prudhomme semble formulée par Banville. Bref, il fut permis au poète de savourer la récompense de l’entremets.