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tait rien qu’ils n’imaginassent pour s’en rendre maîtres sans dépense, et sans essuyer les fatigues d’un long siège. Ils jetèrent des fascines du haut de la terrasse dans le vide qui restait entre elle et le mur. Comme bien des mains partageaient ce travail, l’espace fut bientôt rempli, et profitant de la hauteur où ils étaient placés, ils comblèrent, autant qu’ils le purent, de ces fascines, différentes parties de la ville. Ils jetèrent du feu, du soufre, de la poix ; le bois s’enflamma, et jamais on n’a vu de nos jours un semblable incendie, excité du moins artificiellement ; car il arrive à des forêts entières que tourmentent des vents impétueux, de prendre feu d’elles-mêmes par le frottement. L’embrasement fut terrible, et les Platéens, après avoir échappé aux autres dangers, furent au moment d’être détruits par le feu. Il y avait une grande partie de la ville d’où l’on ne pouvait approcher ; et si la flamme avait été poussée par le vent, comme l’ennemi l’espérait, ils auraient été perdus. On prétend qu’il vint à tomber du ciel une forte pluie mêlée de tonnerre, qui éteignit la flamme, et mit fin au danger.

LXXVIII. Les Péloponnésiens, encore trompés dans cette tentative, congédièrent une partie de l’armée[1], occupèrent l’autre à construire un mur autour de la place ; un certain espace de terrain était assigné, dans ce travail, aux soldats des différentes villes. Un fossé fut creusé du côté de la place, et un autre du côté opposé ; ce fut avec la terre de ces fossés que l’on fit les briques. L’ouvrage fut achevé vers le lever de la grande Ourse[2] : les Péloponnésiens laissèrent des troupes pour en garder la moitié ; l’autre était gardée par les Bœotiens ; ils se retirèrent, et chacun rentra dans son pays.

Dès auparavant, les Platéens avaient fait passer à Athènes leurs enfans, leurs femmes, les vieillards, toutes les bouches inutiles ; quatre cents hommes restaient pour soutenir le siège : quatre-vingts Athéniens étaient avec eux, et cent dix femmes pour faire le pain. Il n’y avait personne de plus dans la ville, ni homme libre ni esclave. Tels furent les apprêts du siège de Platée.

LXXIX. Dans le même été, et pendant l’expédition contre Platée[3] les Athéniens portèrent la guerre chez les Chalcidiens, peuple de la Thrace, et chez les Bœotiéens : ils avaient deux mille hoplites de leur nation et deux cents hommes de cavalerie : ils prirent le temps où le blé était mûr. Xénophon, fils d’Euripide, les commandait avec deux autres généraux. Ils approchèrent de Spartolus, ville de la Bottique, et ravagèrent les blés. On avait lieu de croire que la place se rendrait par les manœuvres de quelques habitans. Mais ceux de la faction contraire avaient fait venir d’Olynthe une garnison d’hoplites et d’autres troupes : on fit une sortie ; et les Athéniens engagèrent le combat sous les murs. Les hoplites chalcidiens et quelques auxiliaires furent battus, et se retirèrent dans la place ; mais la cavalerie chalcidienne et les troupes légères battirent les troupes légères et la cavalerie des Athéniens.

Les Chalcidiens avaient, en petit nombre, quelques peltastes du pays nommé Crusis ; l’action venait de se passer, quand d’autres peltastes sortis d’Olynthe vinrent donner du renfort. Dés que les troupes légères de Spartolus les aperçurent, cette augmentation de force leur donna du courage ; comme elles n’avaient pas été repoussées à la première attaque, elles en firent une nouvelle avec la cavalerie chalcidienne et les auxiliaires. Les Athéniens reculèrent jusqu’aux bagages où ils avaient laissé deux corps de troupes ; dès qu’ils s’avançaient, l’ennemi cédait, quand ils reculaient, il les pressait et les accablait de traits. La cavalerie chalcidienne fondait partout où elle trouvait jour ; ce fut elle surtout qui effraya les Athéniens, elle les mit en fuite et les poursuivit au loin. Les vaincus se retirèrent à Potidée ; ils furent obligés de traiter pour enlever leurs morts et ils retournèrent à Athènes avec ce qui leur restait de troupes ; ils avaient perdu quatre cent trente hommes et tous leurs généraux. Les Chalcidiens et les Bottiéens élevèrent un trophée, recueillirent leurs morts et se séparèrent.

LXXX. Le même été, peu après ces événemens[4], les Ampraciotes et les Chaoniens, vou-

  1. Troisième année de la guerre du Péloponnèse, troisième année de la quatre-vingt-septième olympiade, quatre cent trente ans avant l’ère vulgaire. 6 juillet.
  2. Troisième année de la guerre du Péloponnèse, quatrième année de la quatre-vingt-septième olympiade, quatre cent vingt-neuf ans avant l’ère vulgaire. 19 septembre.
  3. A la fin de juillet.
  4. Septembre.