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liés. C’était Cimon qui la commandait. Soixante de ces bâtimens passèrent en Égypte, où les appelait cet Amyrtée, dont le royaume était dans les marais. Les autres firent le siège de Citium. Cimon mourut, la famine survint et ils abandonnèrent le siège. Comme ils passaient au-dessus de Salamine, ville de Cypre, ils eurent à la fois un combat de terre et un combat de mer contre les Phéniciens, les Cypriens et les Ciliciens, et retournèrent chez eux, vainqueurs dans ces deux combats. Les vaisseaux revenus de l’Égypte rentrèrent avec eux.

Les Lacédémoniens firent ensuite la guerre qu’on appelle sacrée, s’emparèrent du temple de Delphes et le remirent aux Delphiens ; mais après leur retraite, les Athéniens l’attaquèrent à leur tour, le prirent et le rendirent aux Phocéens.

CXIII. Après un certain espace de temps, comme les exilés bœotiens occupaient Orchomène, Chéronée et quelques autres villes de la Bœotie. Les Athéniens allèrent attaquer ces places, devenues ennemies. Eux-mêmes envoyèrent mille hoplites, les alliés fournirent leur contingent, c’était Tolmide, fils de Tolmæus, qui commandait. Ils prirent Chéronée, réduisirent les habitans en servitude, y laissèrent une garnison et se retirèrent.

Ils étaient en marche près de Coronée, quand des troupes sorties d’Orchomène vinrent les attaquer ; c’étaient des exilés de Bœotie qui avaient avec eux des Locriens, des exilés de l’Eubée et tout ce qui était de la même faction. Ils furent vainqueurs, égorgèrent une partie des Athéniens et réduisirent le reste en captivité. Les Athéniens abandonnèrent la Bœotie tout entière, à condition qu’on leur rendrait leurs prisonniers. Les exilés bœotiens et tous les autres revinrent et rentrèrent dans leurs droits.

CXIV. Peu après, l’Eubée se souleva contre les Athéniens ; déjà Périclès marchait à la tête d’une armée pour la soumettre, quand on lui annonça que Mégare était en état de révolution, que les Péloponnésiens allaient se jeter sur l’Attique, et que les garnisons athéniennes avaient été égorgées par les Mégariens, excepté ce qui avait pu se réfugier à Nisée. Mégare n’en était venue à la défection qu’après avoir attiré à son parti Corinthe, Épidaure et Sicyone. Périclès se hâta de ramener son armée de l’Eubée, ce qui n’empêcha pas les Péloponnésiens, sous la conduite de Pliatoanax, fils de Pausanias et roi de Lacédémone, de ravager dans l’Attique Éleusis et les campagnes de Thria ; mais ils n’avancèrent pas plus loin et se retirèrent. Alors les Athéniens retournèrent dans l’Eubée, toujours sous le commandement de Périclès, et la soumirent tout entière. Ils la reçurent à composition, excepté les habitans d’Hestiés, qu’ils chassèrent, et ils s’emparèrent de leur pays.

CXV. Peu après leur retour de l’Eubée, ils conclurent avec les Lacédémoniens une trêve de trente ans[1], et rendirent Nisée, l’Achaïe, Pègues et Trezène. C’était ce qu’ils avaient conquis sur les Péloponnésiens.

Six ans après, une guerre s’éleva au sujet de Priène entre les Samiens et les Milésiens. Ces derniers, maltraités dans cette guerre, vinrent à Athènes et y firent retentir leurs plaintes contre ceux de Samos, qui, secondés par des particuliers de cette île, voulaient changer la constitution du pays. Les Athéniens allèrent à Samos avec une flotte de quarante vaisseaux, et y établirent la démocratie ; ils prirent en otages cinquante enfans et autant d’hommes faits, qu’ils déposèrent à Lemnos, et ne se retirèrent qu’en laissant une garnison dans l’île. Quelques Samiens l’avaient quittée et s’étaient réfugiés sur le continent. Ils conspirèrent avec les hommes les plus puissans de la ville et avec Pissuthnès, fils d’Hystaspe, qui avait le gouvernement de Sardes. Ils rassemblèrent sept cents hommes de troupes auxiliaires et passèrent à Samos à l’entrée de la nuit. Ils attaquèrent d’abord le parti populaire et se rendirent maîtres du plus grand nombre ; ils enlevèrent ensuite de Lemnos leurs otages, abjurèrent la domination d’Athènes, et livrèrent à Pissuthnès la garnison athénienne et les commandans, qu’ils avaient en leur pouvoir. Ils se disposèrent aussitôt à porter la guerre à Milet, et Bysance entra dans leur défection.

CXVI. À cette nouvelle, les Athéniens partirent pour Samos avec soixante vaisseaux ; mais ils en détachèrent seize, les uns pour aller observer dans la Carie la flotte des Phéniciens, les autres pour aller demander des secours à Chios et à Lesbos. Ce fut donc avec quatre vaisseaux que, sous la conduite de Périclès et de neuf

  1. 445 ans avant l’ère vulgaire.