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et un grand parc rempli de bêtes fauves, qu’il chassait à cheval, quand il voulait s’exercer lui et ses chevaux. Le Méandre prend sa source dans le palais, coule au milieu du parc et traverse ensuite la ville de Célène. Dans la même ville est un autre château fortifié, appartenant au grand roi ; il est situé au-dessous de la citadelle et à la source du Marsyas. Cette rivière traverse aussi la ville et se jette dans le Méandre ; elle a vingt-cinq pieds de largeur. Ce fut là, dit-on, qu’Apollon ayant vaincu le satyre Marsyas, qui osait entrer en concurrence de talent avec lui, l’écorcha et suspendit sa peau dans l’antre d’où sortent les sources. Tel est l’événement qui a fait donner à la rivière le nom de Marsyas. On prétend que Xerxès bâtit ce château et la citadelle de Célène à son retour de Grèce où il avait été battu.

Cyrus y séjourna trente jours. Cléarque, banni de Lacédémone, s’y rendit avec mille hoplites, huit cents pellastes thraces et deux cents archers crétois ; Sodias de Syracuse et Sophénète d’Arcadie arrivèrent en même temps ; ils avaient chacun mille hoplites. Cyrus fit dans son parc la revue et le dénombrement des Grecs ; ils montaient en tout à onze mille hoplites et environ deux mille peltastes.

Cyrus fit ensuite en deux marches dix parasanges et arriva à Peltes, ville bien peuplée ; il y séjourna trois jours, pendant lesquels Xénias d’Arcadie célèbra les lupercales par des sacrifices et des jeux dont les prix étaient des étrilles d’or. Cyrus même fut du nombre des spectateurs. De là en deux marches il fit douze parasanges et vint au Forum des Céramiens, ville peuplée, située à l’extrémité de la Mysie. Puis il fit trente parasanges en trois marches et arriva à Caystropédium, ville peuplée, où il demeura cinq jours. Il était dû plus de trois mois de paye aux soldats, qui venaient la demander à sa porte. Ce prince, pour gagner du temps, donnait des espérances ; mais il en paraissait peiné, car il n’était pas dans son caractère de refuser la solde quand il avait de l’argent. Épyaxa, femme de Syennésis, roi de Cilicie, vint trouver Cyrus en cette ville et lui fit présent, dit-on, de sommes considérables. ll fit aussitôt payer à son armée la solde de quatre mois. Cette reine avait une garde de Siciliens et d’Aspendiens ; le bruit courait que Cyrus avait obtenu ses faveurs.

Il fit ensuite en deux marches dix parasanges et arriva à Thymbrie, ville peuplée, où l’on voit une fontaine portant le nom de Midas, roi de Phrygie : on assure que ce fut en mêlant du vin aux eaux de cette source, que Midas y surprit le satyre qu’il poursuivait. De là il fit dix parasanges et vint en deux jours à Tyriæum, ville considérable, où il demeura trois jours. La reine de Cilicie pria Cyrus, à ce que l’on dit, de lui montrer son armée en bataille : par condescendance pour cette princesse, il fit, dans la plaine, la revue des Grecs et des Barbares. Il ordonna aux Grecs de se mettre en bataille selon leurs usages et à leurs généraux de ranger chacun leurs troupes. Elles étaient sur quatre de hauteur, Ménon à l’aile droite avec les siennes, Cléarque à la gauche avec celles qu’il commandait, le reste des généraux au centre. Cyrus considéra d’abord les Barbares, qui défilèrent devant lui par escadrons et par bataillons. Il alla ensuite le long des bataillons grecs, monté sur son char et accompagné de la reine de Cilicie dans une voiture fermée. Les Grecs avaient des casques d’airain, des tuniques de pourpre, des grevières et des boucliers luisans.

Après avoir passé le long de toute leur ligne. il arrêta son char devant le centre de la phalange et ordonna à ses généraux, par son interprète Pigrès, qu’ils fissent présenter les armes et marcher toute la ligne en avant. Ils donnèrent l’ordre à leurs soldats. Dès que la trompette eut donné le signal, on marcha en avant, en présentant les armes. Le pas s’accéléra peu à peu, les cris s’élevèrent, les soldats sans commandement coururent droit aux tentes. Quantité de Barbares en furent effrayés ; la reine de Cilicie s’enfuit dans sa voiture, et les marchands du camp, abandonnant leurs denrées, prirent aussi la fuite ; les Grecs revenaient à leurs tentes en riant. La reine de Cilicie admira la tenue et la discipline de leurs troupes, et Cyrus fut charmé de l’effroi qu’elles inspiraient aux Barbares.

Il fit ensuite vingt parasanges en trois marches et arriva à Iconium, dernière ville de Phrygie. Après y avoir demeuré trois jours, il en partit et en cinq jours parcourut trente parasanges à travers la Lycaonie. Comme cette province était