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rendent maîtres de la partie du retranchement que défendaient les Argiens et les Lacédémoniens assiégés. Tous ceux qui épiaient le moment sortirent ; le reste, prévenu par les Arcadiens qui accoururent, fut renfermé de nouveau dans la ville, pris et distribué entre les Thébains, les Argiens, les Messéniens et les Arcadiens. Le nombre des Spartiates et des périèces montait a plus de cent.

Les Arcadiens n’étant plus retenus à Cromne, retournèrent en Élide, renforcèrent la garnison d’Olympie, et, comme l’année olympique approchait, se préparèrent à célébrer les jeux olympiques avec ceux de Pise, qui prétendaient avoir eu les premiers l’intendance de ces jeux sacrés. Déjà sont arrivés et le mois où se célèbrent les jeux et les jours du plus auguste rassemblement. Les Éléens s’arment ouvertement, appellent à eux les Achéens, et s’acheminent vers Olympie. Les Arcadiens, loin de s’attendre à cette irruption, avaient réglé avec ceux de Pise les apprêts de la fête ; déjà, par leurs ordres, s’étaient exécutés les courses et des chars et des chevaux et les jeux du pentathle, à l’exception de la lutte qui avait lieu non dans le stade, mais entre le stade et l’autel ; car déjà les Éléens en armes paraissaient près le bois sacré ; les Arcadiens ne s’étaient pas avancés plus loin que la riviere du Cladée, qui coule le long de l’Altis, puis se décharge dans l’Alphée. Ce fut là qu’ils se rangèrent avec deux mille hoplites argiens, et environ quatre cents cavaliers d’Athènes.

Les Éléens se portèrent de l’autre côté de la rivière du Cladée, d’où aussitôt, après avoir sacrifié, ils s’avancèrent pour combattre. Quoique auparavant méprisés de ceux d’Argos et d’Arcadie comme mauvais guerriers, quoique dédaignés des Achéens et des Athéniens, leur valeur, ce jour-là, étonna les alliés. Les Arcadiens, qui soutinrent le premier choc, furent bientôt mis en déroute : les Argiens accouraient ; les Éléens les défirent aussi et les poursuivirent jusqu’à l’espace qui est entre le sénat, le temple de Vesta et le théâtre voisin de ce temple ; ils les pressèrent prés de l’autel avec une ardeur toujours égale : cependant assaillis de traits lancés des portiques, du sénat et du grand temple, et combattant sur un plan inférieur, ils perdirent quelques hommes avec Stratoclès, qui commandait les trois-cents.

Après cette action, ils se retirèrent dans leur camp. Les Arcadiens et leurs alliés redoutant l’attaque du lendemain, ne cessèrent pendant la nuit d’abattre les loges de bois qu’on avait dressées avec beaucoup de peine, et de s’entourer de palissades. Le jour suivant, les Éléens ayant vu leur défense, et le haut des temples garni de soldats, retournèrent dans leur ville, après avoir déployé tout le courage qu’un dieu peut en un jour inspirer à des mortels, et que le plus long exercice ne saurait remplacer.

Cependant les Mantinéens, n’approuvant pas que les principaux d’Arcadie employassent les deniers sacrés à leur besoin et à l’entretien des Éparites, décrétèrent les premiers qu’on ne toucherait plus à l’argent sacré, puis levèrent le contingent destiné à la solde des Éparites et l’envoyèrent aux magistrats chargés de la distribution. Ceux-ci prétendent qu’on attente à la constitution arcadique et citent les magistrats mantinéens devant les dix mille députés. Ces magistrats refusent de comparaître ; on envoie des Éparites chargés de les y contraindre. Mantinée ferme aussitôt ses portes.

Mais bientôt même des députés du conseil des dix mille déclarèrent qu’on ne devait pas toucher à l’argent sacré, ni attirer le courroux des dieux jusque sur la postérité la plus reculée. Dès qu’on eut arrêté dans le conseil qu’on s’abstiendrait des deniers sacrés, les Éparites, qui ne pouvaient vivre faute de solde, se débandèrent ; d’autres, qui se voyaient quelque ressource, s’encouragèrent à succéder aux Éparites ; ils se les asserviraient, bien loin d’en dépendre. Les principaux d’Arcadie, qui avaient manié cet argent sacré, prévoyant bien que s’ils étaient forcés de rendre des comptes, ils exposaient leurs têtes, envoyèrent dire aux Thébains que s’ils ne prenaient les armes, l’Arcadie pourrait bien revenir au parti de Lacédémone.

Comme ils se disposaient à marcher, le conseil arcadique, à la persuasion des mieux intentionnés pour le Péloponnèse, leur envoya des députés qui les invitèrent à ne pas venir sans qu’on les appelât. En adoptant cette mesure, on considérait que l’on n’avait pas besoin de guerre ; on pensait qu’il ne fallait plus contester la surintendance du temple de Jupiter Olympyen ; qu’en la restituant, ils feraient un acte de justice et de piété et se rendraient agréables au