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taient leurs armes et allaient piller les maisons. Trois ou quatre jours après, toute la cavalerie de Thèbes, d’Élis, de la Phocide, de la Thessalie, de la Locride, pénétra jusqu’à l’hippodrome et au temple de Neptune Géolochus. Celle des Lacédémoniens qu’on voyait peu nombreuse, leur faisait face ; mais ils avaient placé dans la maison des Tyndarides une embuscade de trois cents jeunes hoplites. Au même instant où ces hoplites sortirent d’embuscade, leur cavalerie s’ébranla : celle de l’ennemi, au lieu de soutenir le choc, plia, et fut suivie par beaucoup de fantassins, qui prirent aussi la fuite. Les Lacédémoniens ayant cessé de poursuivre et voyant les bataillons thébains se rallier, retournèrent dans leur camp. D’après un léger succès, ils commençaient à espérer que l’ennemi renoncerait à son projet d’invasion ; mais au lieu de retourner dans ses foyers, il prit le chemin d’Hélos et de Gythium. Il brûla les places ouvertes, et pendant trois jours, assiégea Gythium, arsenal des Lacédémoniens. Quelques périèces avaient pris parti avec lui.

Les Athéniens, instruits de ces mouvemens, étaient en peine du parti qu’ils prendraient à l’égard de Lacédémone ; ils convoquèrent l’assemblée d’après un sénatus-consulte. Des députés de Lacédémone et autres alliés qui lui restaient encore fidèles, s’y trouvaient par hasard. Les Lacédémoniens Aracus, Ocyllus, Pharax, Étymoclès, Olonthus, tenant tous à peu près le même langage, disaient que les deux républiques s’étaient toujours prété mutuel appui dans les grandes circonstances ; que Sparte avait affranchi Athènes du joug des tyrans et qu’Athènes avait protégé Sparte assiégée par les Messéniens. Ils représentaient qu’ils avaient prospéré lorsqu’ils agissaient de concert : ils rappelaient que d’un commun effort ils avaient chassé les Perses ; qu’a l’instigation de Lacédémone les Grecs avaient élu les Athéniens chefs des armées navales et gardiens du trésor public ; de même qu’avec le consentement d’Athènes et sans réclamation, les Lacédémoniens avaient été choisis chefs des armées de terre. « Athéniens, ajouta l’un d’eux, si vous et nous sommes d’accord, c’est à présent que se réalisera l’espoir conçu depuis si long-temps de contraindre les Thébains à payer au dieu de Delphes la dixième partie de leurs biens. »

Loin que ce discours fût accueilli, un bruit sourd se fit entendre. « Voilà, se disait-on, leur langage dans l’adversité ; mais dans la prospérité ils nous accablaient. » Ce qui paraissait le plus fort, c’était de les entendre se vanter que les Thébains voulant après leur victoire démanteler Athènes, ils s’y étaient opposés. Au reste, le plus grand nombre s’accordait, fidèle au serment, à voter un secours : ce n’était pas une injustice que vengeaient les Arcadiens et autres ; ils punissaient Lacédémone d’avoir secouru les Tégéates injustement opprimés par les Mantinéens. À ces mots, grand bruit dans l’assemblée. Les uns disaient que ceux-ci avaient justement vengé ceux du parti Proxène, tombés sous les coups de la faction stasippe ; les autres, que la guerre contre les Tégéates était injuste.

Au milieu de ce partage d’opinions, Clitèle de Corinthe se leva et parla ainsi : « Athéniens, il s’agit de décider quels sont les agresseurs. Quel reproche peut-on nous adresser, à nous qui depuis la conclusion de la paix n’avons ni pris les armes contre qui que ce soit, ni enlevé les trésors ou ravagé les terres d’autrui ? Cependant les Thébains ont fait irruption dans notre pays ; ils ont coupé nos arbres, brûlé nos maisons, pillé nos biens, emmené nos troupeaux : si vous ne nous secourez pas contre de si odieux oppresseurs, n’agirez-vons pas contre vos sermens que vous avez en soin vous-mêmes de nous faire prêter à tous ? »

Un murmure favorable accueillit ce discours. Clitèle, s’écriait-on, a parlé sagement. Après lui se leva Proclès de Phlionte :

« Athéniens, vous ne doutez pas, je pense, que Lacédémone une fois abattue, les Thébains ne fondent sur vous, parce qu’ils vous jugent seuls en état de leur disputer l’empire de la Grèce : je crois donc qu’en prenant les armes pour les Lacédémoniens, c’est pour vous que vous combattrez. Les Thébains, devenant les chefs de la Grèce, les Thébains, vos voisins, et malintentionnés à votre égard, se montraient-ils moins redoutables que des adversaires éloignés ? Il vous est donc plus avantageux d’armer pour vous-mêmes, lorsque vous avez encore des alliés qui vous soutiennent, que d’être forcés, après avoir perdu ces alliés, de combattre seuls contre Thèbes.

« Craignez-vous que les Lacédémoniens, échap-