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gée, ville frontière, il ne trouva dans les maisons que les vieillards, les femmes, les enfans, parce que tout ce qui se trouvait en état de porter les armes était en Arcadie : loin d’exercer aucune vexation. il leur permit de rester dans leurs habitations, ordonna aux soldats de payer ce dont ils auraient besoin, fit chercher et restituer ce qu’on avait pris en entrant dans la ville, et réparer les brèches les plus considérables en attendant les troupes soldées de Polytrope.

Cependant les Mantinéens marchaient contre ceux d’Orchomène : ils s’étaient trop approchés des murs ; ils perdirent quelques-uns des leurs ; mais lorsqu’ils furent arrivés à Élymie, les hoplites d’Orchomène ayant cessé de les poursuivre, Polytrope les chargea avec furie : ils virent qu’il fallait le repousser ou périr sous une grêle de traits ; ils se retournèrent et en vinrent aux mains. Polytrope périt dans la mêlée ; beaucoup de fuyards eussent eu le même sort, sans la cavalerie phliasienne, qui, prenant à dos les Mantinéens, fit cesser leur poursuite. Après ce coup de main, les Mantinéens se retirèrent chez eux.

Agésilas, à cette nouvelle, se doutant bien que les troupes soldées d’Orchomène ne le joindraient plus, continua sa route, soupa le premier jour sur le territoire de Tégée, entra le lendemain sur celui de Mantinée, campa au pied des montagnes situées à l’occident de la ville, et se mit à ravager le plat pays et les métairies.

Sur ces entrefaites, les Arcadiens qui s’étaient réunis dans Asée, entrèrent la nuit à Tégée ; et le lendemain, Agésilas vint se camper à vingt stades de Mantinée. Ces Arcadiens, sortis de Tégée avec quantité d’hoplites, approchèrent des montagnes qui séparent les deux villes, dans l’intention de se joindre aux Mantinéens, sans attendre ceux d’Argos, qui ne suivaient pas en masse. Quelques uns conseillaient à Agésilas de les attaquer avant leur jonction ; mais il craignait que tandis qu’il marcherait contre eux, les Mantinéens ne vinssent le prendre en queue en en flanc : il trouva plus à propos de les laisser se réunir, pour le combattre, s’ils le voulaient, à force ouverte et d’égal à égal.

Les Arcadiens s’étant réunis à leurs alliés, les peltastes d’Orchomène et les cavaliers phliasiens, qui avaient passé de nuit le long des murs de Mantinée, vinrent à paraître au point du jour, lorsque Agésilas sacrifiait devant le camp. Aussitôt les soldats de reprendre leurs rangs, et Agésilas de se mettre à leur tête ; mais quand on eut reconnu en eux des amis, et qu’on eut obtenu des auspices favorables, Agésilas se mit en marche après dîner, et le soir, à l’insu de l’ennemi, vint camper à dos et près de Mantinée, dans un fond environné de montagnes.

Le lendemain, comme il sacrifiait encore au point du jour devant le camp, il s’aperçut que des troupes ennemies, sorties de Mantinée, se rassemblaient sur les montagnes, et dans une position qui menaçait son arrière-garde ; il se détermina promptement à faire sa retraite. S’il eût, pour l’exécuter, marché dans l’ordre naturel, l’ennemi pouvait fondre sur ses derrières ; il resta donc dans sa position, et présentant le front à l’ennemi, il ordonna à ceux de la queue de se replier derrière la phalange. Par cette manœuvre, en même temps qu’il retirait ses troupes d’un fond périlleux, il fortifiait sa phalange. Dès qu’elle fut doublée, il marcha dans cet ordre vers la plaine avec ses hoplites, et les rangea sur neuf ou dix de hauteur. Les Mantinéens dès lors ne parurent plus : en effet, ceux d’Élide, qui les accompagnaient dans cette expédition, leur conseillaient de ne point livrer bataille avant l’arrivée des Thébains ; ils comptaient sur la jonction prochaine de ces derniers, parce que, disaient-ils, ils leur avaient prêté dix talens pour la campagne.

À cette nouvelle, les Arcadiens s’arrêtèrent à Mantinée, et Agésilas, qui désirait fort ramener ses troupes parce qu’on était au cœur de l’hiver, demeura trois jours assez près de la ville pour ne pas sembler faire retraite par crainte. Le quatrième jour, ayant dîné de grand matin, il en partit, comme pour camper au lieu qu’il avait choisi d’abord lorsqu’il quitta Eugée ; mais comme aucun Arcadien ne se montrait, il s’avança en diligence vers Eugée, quoiqu’il fût déjà fort tard. Il voulait, pour ôter tout soupçon de fuite, déloger ses hoplites avant qu’on vît les feux de l’ennemi ; car c’était en quelque sorte avoir tiré ses concitoyens de leur première stupeur, que d’être entré dans le pays ennemi et l’avoir ravagé sans que personne osât se mesurer avec lui. De retour dans la Laconie, il licencia ses troupes, et renvoya les périèces dans leurs villes.

Après le départ d’Agésilas et le licenciement de ses troupes, les Arcadiens, se trouvant rassem-