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La ville d’Olynthe se voit de Potidée et n’en est éloignée que de soixante stades au plus. Au commencement de la bataille et à la levée des signaux, les Macédoniens qui, de cette place, devaient porter des secours à l’armée de Potidée, avaient fait quelques pas en avant pour aller s’opposer aux ennemis ; mais la cavalerie de Philippe s’était présentée devant eux en bon ordre pour les arrêter ; et comme bientôt après la victoire avait été décidée en faveur des Athéniens et les signaux baissés, ils étaient rentrés dans la place, et les Macédoniens de Philippe avaient rejoint les troupes d’Athènes. Ainsi des deux côtés la cavalerie ne donna pas. Après la bataille, les Athéniens dressèrent un trophée et accordèrent aux Potidéates la permission d’enlever leurs morts. Ceux-ci et leurs alliés ne perdirent guère moins de trois cents hommes ; les Athéniens en perdirent cent cinquante et leur général Callias.

LXIV. Ils tirèrent aussitôt du côté de l’isthme une muraille fortifiée et y mirent garnison ; mais ils ne fortifièrent pas le côté de Pallène, jugeant impossible de veiller à la défense de l’isthme et de se porter en même temps vers Pallène pour y faire des travaux, ils craignaient en se partageant d’être attaqués par les Potidéates et leurs alliés.

Quand on eut appris à Athènes que ce côté n’était pas investi, on y envoya seize cents hoplites aux ordres de Phormion, fils d’Asopius. Il partit d’Aphytis après avoir abordé à Pallène, et conduisit lentement ses troupes du côté de Potidée, tout en ravageant la campagne. Personne ne sortit pour le combattre, et il éleva la muraille projetée. Ainsi Potidée se trouva investie de deux côtés, et elle l’était en même temps du côté de la mer par la flotte qui restait en station.

LXV. Aristée, voyant la place en cet état, n’avait pas d’espérance de la sauver, à moins d’un secours de la part du Péloponnèse ou de quelque autre événement extraordinaire. Il résolut d’y laisser cinq cents hommes et de profiter du premier vent favorable pour faire sortir le reste ; c’était le moyen de ménager les vivres. Il voulait être du nombre de ceux qui resteraient, pour veiller aux dispositions intérieures et mettre les affaires du dehors dans le meilleur état qu’il serait possible. Comme il ne put faire goûter son avis, il mit en mer sans être aperçu des Athéniens ; il s’arrêta dans la Chalcidique, y fit différentes expéditions, et ayant dressé une embuscade près de la ville de Sermylis, il tua beaucoup de monde. En même temps il était en négociations avec le Péloponnèse pour en obtenir des secours.

D’un autre côté, Phormion, après avoir investi Potidée, prit avec lui seize cents hommes qu’il commandait, alla ravager la Chalcidique et la Bottique et enleva quelques places de peu d’importance.

LXVI. Tels étaient, avant la guerre, les sujets de reproches que s’étaient donnés de part et d’autre les Athéniens et les Péloponnésiens. On se plaignait à Corinthe de ce que les Athéniens assiégeaient Potidée, colonie corinthienne, où se trouvaient des Corinthiens et des Péloponnésiens. On se plaignait à Athènes des peuples du Péloponnèse, qui avaient excité à la rebellion une ville alliée et tributaire des Athéniens, et qui leur avaient fait ouvertement la guerre avec les habitans de Potidée. Cependant il n’y avait pas du moins de rupture déclarée ; la trêve subsistait encore, et les Corinthiens seuls commettaient des hostilités.

LXVII. Ils ne se tinrent pas en repos quand ils virent assiéger Potidée. Craignant et pour la place et pour les troupes qu’ils y avaient, ils convoquèrent les alliés à Lacédémone, s’y rendirent eux-mêmes, et s’écrièrent que les Athéniens avaient enfreint la paix, et qu’ils outrageaient le Péloponnèse. Les Éginètes, par crainte des Athéniens, n’envoyèrent pas ouvertement de députés ; mais ils ne se joignirent pas moins aux autres en secret pour susciter la guerre : ils se plaignaient d’être privés de leurs libertés que le traité leur avait garanties. Les Lacédémoniens appelèrent les alliés et tous ceux qui se prétendaient offensés par les Athéniens ; et s’assemblant à leur manière accoutumée, ils les invitèrent à faire entendre leurs plaintes. Chacun porta séparément son accusation ; les Mégariens, entre plusieurs griefs importans, se plaignirent surtout d’être exilés de l’Attique contre la foi des traités, et bannis de tous les ports qui appartenaient aux Athéniens. Les Corinthiens se présentèrent les derniers, et ayant laissé les autres aigrir d’abord les Lacédémoniens, ils parlèrent ainsi :

LXVIII. « La bonne foi que vous observez, ô Lacédémoniens, dans votre administration inté-