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l’un de Macédoine, l’autre de Thase, avec vingt navires chacun. Tous deux venaient de recueillir des contributions. Alcibiade, après leur avoir commandé de le suivre et d’abattre leurs grandes voiles, cingla vers Parium, où la flotte rassemblée se trouva monter à quatre-vingt-six navires, qui la nuit suivante démarrèrent, et arrivèrent le lendemain à Préconèse à l’heure de dîner. La, on apprit que Mindare était à Cyzique, ainsi que Pharnabaze et son infanterie. Le reste du jour, on se tint à Préconèse dans l’inaction ; mais le lendemain, Alcibiade ayant convoqué les troupes, leur représenta qu’il fallait nécessairement attaquer l’ennemi par terre et par mer, et le forcer dans ses murs, parce que l’on n’avait pas d’argent, disait-il, tandis que le roi n’en laissait point manquer l’autre parti.

La veille, il avait recueilli autour de lui, même les petits navires, aussitôt qu’ils étaient entrés dans le port ; il craignait qu’on n’en révélât le nombre à l’ennemi. Un héraut avait proclamé peine de mort contre ceux qui seraient surpris gagnant le rivage opposé.

L’assemblée dissoute, il se prépare à un combat naval et fait voile vers Cyzique par une grande pluie. Comme il était près de Cyzique, le ciel devenant serein, il aperçut, à la clarté du soleil qui commençait à luire, les soixante galères de Mindare ; elles s’exerçaient loin du port, sans pouvoir y rentrer à cause de sa flotte. Des qu’elles le virent gagner le port, étonnées du nombre des siennes, elles approchèrent du rivage et se mirent en état de défense. Aussitôt, tournant avec vingt de ses meilleurs vaisseaux, il prit terre ; Mindare en fit autant ; mais celui-ci périt dans le combat, et ses soldats se dispersèrent ; en sorte que les Athéniens emmenèrent tous les vaisseaux à Préconèse, excepté ceux des Syracusains, qui avaient brûlé les leurs. De là, les Athéniens firent voile le lendemain vers Cyzique, qui, abandonnée des Péloponnésiens et de Pharnabaze, finit par se rendre.

Après avoir demeuré vingt jours chez les Cyzicéniens, se bornant à tirer de fortes contributions, Alcibiade retourna à Préconèse, d’où il alla à Périnthe et à Sélymbrie : la première l’accueillit, mais l’autre aima mieux donner de l’argent que recevoir des troupes. Il se porta ensuite à Chrysopolis, ville de Chalcédoine, qu’il fortifia, et où il établit un comptoir pour la perception du dixième des marchandises qui venaient du Pont-Euxin. Théramene et Eubule y furent laissés avec trente galères à leurs ordres, tant pour la sûreté de la place que pour lever l’impôt et incommoder l’ennemi le plus qu’ils pourraient. Les autres généraux tirèrent vers l’Hellespont.

Sur ces entrefaites, on surprit une lettre qu’Hippocrate, secrétaire de Mindare, adressait aux Lacédémoniens ; on la porta à Athènes ; elle contenait ces mots : « Tout est perdu ! Mindare est mort ; point de vivres pour nos soldats, nous ne savons que faire. »

Mais Pharnabaze représenta à toutes les troupes péloponnésiennes et aux Syracusains que tant que l’on aurait des hommes, on ne devait point se décourager pour une perte de quelques navires, puisque l’on trouvait dans les états du roi de quoi en équiper d’autres ; puis il fournit à chacun un habillement et deux mois de solde ; de plus, il arma les matelots et leur confia la garde des côtes de son gouvernement. Les généraux et les triérarques revinrent, sur son invitation, des villes où ils s’étaient réfugiés après la journée de Cyzique ; il leur enjoignit d’équiper à Antandre autant de galères qu’ils en avaient perdues, et leur donna de l’argent en leur disant de tirer du mont Ida tout le bois nécessaire.

Tandis qu’on s’occupait de construire la flotte, les Syracusains aidèrent ceux d’Antandre à relever une partie de leurs murs et gagnèrent leur affection par leur zèle à défendre la place ; ce qui leur obtint des Antandriens le titre d’évergètes et le droit de cité. Les affaires ainsi arrangées, Pharnabaze courut a la défense de Chalcédoine.

Cependant les stratèges de Syracuse apprirent que le peuple les exilait. Ils convoquent aussitôt les soldats ; et par l’organe d’Hermocrate, ils se lamentent sur leur commune infortune, sur la violence et l’injustice de leur proscription ; ils les exhortent à se montrer toujours aussi dociles, aussi braves qu’auparavant ; ils les pressent d’élire des chefs jusqu’à l’arrivée de ceux nommés pour les remplacer. Il n’y eut qu’un cri dans l’assemblée ; les triérarques surtout, les épibates et les matelots, voulaient qu’ils restassent en fonctions. Il ne faut point, répondaient les gé-