Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/240

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

terminer, dans une longueur de sept à huit stades, la double muraille qui devait s’étendre jusqu’au grand port ; il restait seulement une petite partie du côté de la mer, à laquelle ils travaillaient encore. Au côté opposé de l’enceinte qui devait gagner l’autre mer, en passant vers Trogyle, les pierres étaient déjà la plupart sur le lieu, des travaux étaient à moitié faits, d’autres étaient achevés. C’est à cette extrémité qu’en étaient réduits les Syracusains.

III. A l’arrivée subite de Gylippe et de l’armée de Syracuse, les Athéniens furent d’abord troublés ; cependant ils se mirent en ordre de bataille. Gylippe, campé près de leurs retranchemens, leur fit déclarer par un héraut que s’ils voulaient sortir de la Sicile dans cinq jours, en prenant ce qui leur appartenait, il consentirait à traiter avec eux. Ils firent peu de cas de ces propositions, et renvoyèrent le héraut sans aucune réponse. Des deux côtés, on se disposait au combat, quand Gylippe, voyant que les Syracusains étaient en désordre et avaient peine à se mettre en bataille, porta son armée dans un endroit plus ouvert. Nicias ne fit point avancer la sienne, et se tint dans ses retranchemens. Comme l’ennemi ne s’avançait pas, Gylippe conduisit ses troupes sur le tertre qu’on appelle Téménite, et s’y posta. Le lendemain, il fit approcher des retranchemens la plus grande partie de son monde, pour empêcher les Athéniens de porter ailleurs des secours, et envoya un détachement au fort de Labdale : il l’enleva ; tous ceux qu’on y prit furent égorgés. La vue des Athéniens ne portait pas sur cette place. Le même jour, une de leurs trirèmes tomba au pouvoir des ennemis en entrant dans le port.

IV. Les Syracusains et leurs alliés se mirent à élever un mur qui passait par Épipole ; il commençait de la ville et devait gagner, en montant, le mur simple et transversal. C’était pour empêcher les Athéniens de les renfermer s’ils ne pouvaient en arrêter la construction. Ceux-ci étaient déjà remontés sur les hauteurs, après avoir terminé le retranchement qui gagnait la mer ; mais comme il s’y trouvait une partie faible, Gylippe profita de la nuit pour y conduire son armée et en faire l’attaque. Les Athéniens étaient campés hors des retranchemens : ils s’aperçurent de sa marche, et allèrent au-devant de lui ; mais il fut informé de leur approche, et ne perdit pas de temps à retirer ses troupes. Les Athéniens donnèrent à leur muraille plus de hauteur, y firent eux-mêmes la garde, confièrent à celle des alliés le reste du retranchement et leur en distribuèrent à chacune des parties. Nicias jugea nécessaire de fortifier le lieu nommé Plemmyrium ; c’est un promontoire en face de la ville, il s’avance dans le port et en rétrécit l’entrée. En le fortifiant, on rendait plus facile l’arrivée des convois ; on serait à l’ancre à moins de distance du petit port de Syracuse, et l’on ne se trouverait plus obligé, comme on l’était alors, de tirer des munitions du fond du port, si l’on voulait faire quelque opération navale. Il avait dessein de faire surtout une guerre de mer, voyant que, depuis l’arrivée de Gylippe, on ne devait plus s’attendre par terre aux mêmes succès. Il fit donc passer à Plemmyrium l’armée et la flotte, et y construisit trois forts. Ce fut là que la plupart des ustensiles furent déposés ; là que les vaisseaux légers et les bâtimens de charge vinrent mettre à l’ancre. Cette disposition fut ce qui d’abord contribua beaucoup à la ruine des équipages ; ils manquaient d’eau, ils étaient obligés de l’aller chercher au loin, ainsi que le bois, et ne pouvaient sortir sans être tourmentés par les cavaliers ennemis, qui étaient maîtres de la campagne. En effet, le tiers de la cavalerie avait été porté près du bourg d’Olympium, pour empêcher les Athéniens de sortir de Plemmyrium et d’infester le pays. Nicias n’ignorait pas que le reste des vaisseaux de Corinthe arrivait : il envoya vingt vaisseaux à l’observation, avec ordre de se mettre en station dans les parages de Locres et de Rhégium, et sur la route de Sicile.

V. Gylippe continuait de faire travailler au retranchement qui passait par Épipole, et se servait des pierres que les Athéniens y avaient amassées pour leurs propres ouvrages. En même temps, il amenait en dehors des fortifications les troupes de Syracuse et des alliés, et les mettait en ordre de bataille. Les Athéniens, de leur côté, se rangeaient en présence. Quand Gylippe crut le moment favorable, il commença l’attaque. On en vint aux mains, et l’affaire se passa dans l’intervalle des retranchemens : c’était rendre inutile la cavalerie de Syracuse et des alliés. Les Syracusains furent vaincus et obligés d’obtenir la permission d’enlever leurs morts. Les Athéniens dressèrent un trophée.