Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/219

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tés sur le rôle : sept cents valets faisaient le service de soldats de marine. Les alliés prenaient part à cette expédition, des sujets, ou des Argiens au nombre de cinq cents, et deux cent cinquante Mantinéens et mercenaires. Les archers formaient en tout quatre cent quatre-vingts hommes, dont quatre-vingts de Crète. Il y avait sept cents frondeurs rhodiens et cent vingt bannis de Mégare, armés à la légère. On n’avait qu’un seul vaisseau construit pour le transport des chevaux ; il portait trente cavaliers.

XLIV. Telles furent les premières forces qui partirent pour cette guerre. Elles étaient accompagnées de trente vaisseaux de charge qui portaient les bagages et les subsistances, et que montaient les boulangers, les maçons, les forgerons ; on y avait embarqué tous les instrumens nécessaires à des constructions de murailles. Avec ces vaisseaux marchaient cent batimens, forcés à servir dans cette expédition. Beaucoup d’autres vaisseaux de charge et de batimens suivaient volontairement l’armée.

Toute cette flotte, sortie de Corcyre, entra dans le golfe d’Ionie. Les uns gagnèrent le cap Iapygie, les autres Tarente, d’autres abordèrent ailleurs, suivant que s’en offrit la commodité ; ils côtoyèrent l’Italie, sans qu’aucune ville les reçût dans ses murs ni dans ses marchés. On leur permettait seulement de se mettre en rade, et de faire de l’eau ; ce que Tarente et Locres n’accordèrent même pas. Ils arrivèrent enfin à Rhégium, promontoire d’Italie, et s’y rassemblèrent ; mais on ne les reçut pas dans la ville ; ils furent obligés de camper en dehors, sur le terrain consacré à Diane, où on leur ouvrit un marché. Ils tirèrent leurs vaisseaux à terre, et prirent du repos. Ils entrèrent en négociation avec les Rhégiens, les priant, en qualité de Chalcidiens, de secourir les Léontins qui avaient la même origine. La réponse fut qu’on ne prendrait parti pour les uns ni les autres, et qu’on suivrait l’exemple qui serait donné par le reste de l’Italie. Les Athéniens considéraient par quels moyens ils pourraient faire réussir leurs affaires en Sicile : ils attendaient en même temps le retour des vaisseaux qu’ils avaient expédiés en avant pour Égeste. Ils voulaient savoir si le rapport que les députés avaient fait à Athènes sur les richesses de cette ville, s’accordait avec la vérité.

XLV. Dès lors fut portée de toutes parts à Syracuse, et en particulier par les gens envoyés en observation, la nouvelle assurée que la flotte d’Athènes était à Rhégium. On mit le plus vif empressement à faire les dispositions pour la défense, et il ne resta plus de doute. On envoya chez les Sicules, aux uns des troupes pour les garder, aux autres des députations. On transporta des garnisons dans les places situées sur la route des ennemis. On fit dans la ville la revue des chevaux et des armes, et l’on examina si tout était en bon état. Enfin on disposa tout comme pour une guerre prochaine, et qui était même en quelque sorte commencée.

XLYI. Les trois vaisseaux revinrent à Rhégium. Ils annoncèrent que toutes ces grandes richesses qu’on avait promises n’existaient pas, et qu’il ne se montrait que trente talens. Les généraux se trouvèrent dans un grand embarras : c’était un premier obstacle qu’ils éprouvaient dans leur entreprise, et les Rhégiens, quoiqu’on eût commencé d’abord à les persuader, refusaient de marcher avec eux. On avait eu lieu de s’attendre à leurs secours, parce qu’ils ont une origine commune avec les Léontins, et qu’ils leur avaient été toujours attachés. Nicias s’était attendu à ce qu’on éprouvait de la part d’Égeste ; mais cet événement semblait incompréhensible aux deux autres généraux. Voici la ruse dont s’étaient avisés les Égestains, quand les premiers députés d’Athènes étaient venus prendre des informations sur leur fortune. Ils les avaient conduits a Érix, dans le temple de Vénus, et leur avaient montré les offrandes qu’il renfermait, des vases, des aiguières, des cassolettes à brûler de l’encens, et une grande quantité de toute sorte de vaisselle. Tout était en argent, et offrait à la vue une grande valeur sans en avoir beaucoup. Ceux qui montaient les trirèmes furent invités en particulier à des repas, et pour les recevoir, on assemblait tout ce qu’il y avait de vaisselle d’or et d’argent à Égeste ; on empruntait aux villes voisines, phéniciennes ou grecques, et chacun en couvrait ses buffets comme si elle lui avait appartenu. C’était presque toujours la même qui servait partout, et comme partout on en voyait une grande quantité, les gens des trirèmes étaient frappés d’étonnement : de retour à Athènes, ils s’écrièrent qu’ils avaient vu des richesses immenses. Trom-