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suite par des Samiens et d’autres Ioniens qui abordèrent en Sicile pour fuir la domination des Mèdes.

V. Peu après, Anaxilas, tyran du Rhégium, chassa une partie des Samiens, établit dans la ville, avec ceux qu’il y laissait, des hommes de races différentes, et l’appela Messène[1], du nom de la patrie dont il tirait son origine.

Imère fut fondée après Zanclé par Euclide, Simus et Sacon ; ce furent surtout des Chalcidiens qui vinrent former celle colonie ; mais des exilés de Syracuse, nommés Mylétides, vaincus dans une sédition, la partagèrent avec eux. Un langage mêlé de chalcidien et de dorique y domine ; mais les usages qui l’emportent sont ceux de la Chalcide.

Acrès et Casmènes furent fondées par les Syracusains : Acrès, soixante-dix ans après Syracuse, et Casmènes environ vingt ans après Acrès.

Camarina dut aussi sa première fondation aux Syracusains, vers cent trente-cinq ans après celle de Syracuse : les fondateurs furent Dascon et Monocole. Mais dans une guerre causée par la rébellion des habitans, les Syracusains les chassèrent ; Hippocrate, tyran de Géla, s’étant fait donner dans la suite, pour la rançon des prisonniers qu’il avait faits sur les Syracusains, le territoire de Camarina, devint lui-même fondateur de cette ville ; il y établit une colonie qui fut encore chassée par Gélon, et ce prince devint le troisième fondateur de Camarina.

VI. Telles étaient les nations grecques et barbares qui habitaient la Sicile, et telle la puissance de cette île, quand les Athéniens s’enflammèrent du désir d’y porter la guerre. La vérité est qu’ils voulaient la soumettre tout entière à leur domination ; mais ils couvraient ce dessein d’un prétexte généreux : celui de donner des secours à des peuples qui avaient avec eux une commune origine, et aux alliés de ces peuples. Ils étaient surtout animés par les députés d’Égeste qui étaient à Athènes, et qui sollicitaient vainement leur assistance. Limitrophes de Sélinonte, les Égestains étaient en guerre avec cette république pour quelques différends sur les mariages, et pour un territoire contesté. Ceux de Sélinonte, avec l’aide des Syracusains qu’ils avaient engagés dans leur alliance, les comprimaient par terre et par mer. Les députés d’Égeste rappelaient aux Athéniens le souvenir de l’alliance qu’Athènes avait contractée avec eux du temps de Lachès et de la première guerre des Léontins : ils demandaient qu’on expédiât des vaisseaux à leur secours ; bien des raisons qu’ils alléguaient en leur faveur se réduisaient en substance à faire entendre que si les Syracusains chassaient impunément les habitans de Léontium, ruinaient les autres alliés d’Athènes, et concentraient en eux seuls toute la puissance de la Sicile, il était à craindre que, Doriens eux-mêmes, liés aux Doriens par une même origine, et attachés en même temps aux Péloponnésiens dont ils étaient une colonie, ils ne portassent à ces derniers des secours formidables, et ne détruisissent, conjointement avec eux, la puissance athénienne ; qu’il était de la sagesse de cette république de s’opposer aux Syracusains avec ce qui lui restait d’alliés, surtout lorsque Égeste lui offrait des richesses suffisantes pour soutenir la guerre.

Les Athéniens, à force d’entendre répéter ces discours dans les assemblées tant par ces députés que par ceux de leurs orateurs qui soutenaient cette cause, décrétèrent qu’on enverrait d’abord à Égeste une députation pour vérifier si, comme on le disait, il existait en effet des richesses dans le trésor public et dans les temples, et pour savoir à quel point en était la guerre contre Sélinonte.

VII. Les députés furent expédiés pour la Sicile[2]. Le même hiver, les Lacédémoniens et leurs alliés, excepté les Corinthiens, portèrent la guerre dans l’Argie, y ravagèrent une petite étendue de terrain, et en rapportèrent quelques voitures de blé. Ils établirent à Ornées les exilés d’Argos, et leur laissèrent une faible partie de l’armée. Ils se retirèrent avec le reste, après avoir fait un traité, suivant lequel, pendant un certain temps, les Ornéates et les Argiens ne devaient se faire aucun mal les uns aux autres ; mais peu après, les Athéniens apportèrent, sur trente vaisseaux, six cents hoplites ; les Argiens vinrent se joindre à eux avec toutes leurs forces, et firent contre Ornées une attaque qui dura le jour entier. Comme ils s’éloignèrent à l’entrée

  1. C’est la ville que nous appelons Messine.
  2. Après le 10 octobre.