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LXXXI. Après qu’Argos eût renoncé à l’alliance d’Athènes, les Mantinéens voulurent d’abord résister ; mais trop faibles sans l’assistance d’Argos, ils firent aussi leur accord avec les Lacédémoniens, et renoncèrent à la domination sur les villes qui leur étaient soumises. Lacédémone et Argos mirent chacune mille hommes sur pied. Les Lacédémoniens seuls firent pencher Sicyone vers le gouvernement du petit nombre ; avec les Argiens, ils abolirent à Argos le gouvernement populaire, et y établirent l’oligarchie, toujours chère à Lacédémone. Ces événemens arrivèrent à l’approche du printemps, vers la fin de l’hiver, et la quatorzième année de la guerre finit.

LXXXII. L’été suivant[1], les Dictidiens, peuple du mont Athos, abjurèrent l’alliance d’Athènes pour s’unir aux Chalcidiens. Les Lacédémoniens amenèrent à leurs intérêts l’Achaïe, qui auparavant ne leur était pas affectionnée. Le peuple d’Argos se coalisa insensiblement, prit de l’audace, et attaqua le petit nombre qui était chargé du gouvernement. Il attendit le moment où les Lacédémoniens célébraient les jeux des enfans. On se battit dans la ville, et le peuple l’emporta. Les Lacédémoniens furent long-temps à se rendre à l’invitation de leurs amis qui les appelaient ; ils interrompirent enfin les jeux et partirent à leur secours ; mais ils apprirent à Tégée que le peuple était victorieux, et malgré les prières de ceux qui s’étaient évadés, ils ne voulurent pas s’avancer davantage ; ils retournèrent chez eux, et reprirent les exercices qu’ils avaient interrompus. Il leur vint ensuite des députations de la part des Argiens de la ville et de ceux qui en étaient sortis : les alliés étaient présens ; il y eut de grandes discussions de part et d’autre, et le résultat fut que les Argiens de la ville étaient coupables. On résolut de marcher à Argos ; mais il y eut encore des délais et du temps perdu. Le peuple en profita ; comme il craignait les Lacédémoniens, il eut de nouveau recours à l’alliance d’Athènes, dans l’espérance d’en tirer de grands secours. Il éleva aussi de longues murailles jusqu’à la mer, pour se ménager la ressource, s’il venait à être renfermé du côté de la terre, de recevoir par mer les rafraîchissemens qu’on lui apporterait d’Athènes. Certaines villes du Péloponnèse connivaient à la construction de ces murailles. Les Argiens y travaillèrent tous sans exception, eux, leurs femmes, leurs esclaves. Il leur vint d’Athènes des maçons et des tailleurs de pierres. L’été finit.

LXXXIII. L’hiver suivant[2] les Lacédémoniens, instruits de ces travaux, marchèrent vers Argos avec leurs alliés, excepté les Corinthiens. Il y avait même dans la place un parti qui travaillait pour eux. Agis, fils d’Archidamus, roi de Lacédémone, commandait l’armée. Les intelligences qu’ils avaient dans la ville, et qui semblaient devoir les servir, ne purent leur être utiles ; mais ils enlevèrent et détruisirent les murailles qui n’étaient pas achevées, s’emparèrent d’Usies, place de l’Argie, firent périr tous les hommes libres qui leur tombèrent entre les mains, se retirèrent et se dispersèrent dans leur pays.

Les Argiens, à leur tour[3], portèrent leurs armes dans la campagne de Phlionte, et la ravagèrent, parce qu’on y avait donné refuge à leurs exilés ; car c’était là que le plus grand nombre avait cherché un asile. Ils firent ensuite leur retraite.

Le même hiver[4], les Athéniens coupèrent à Perdiccas la communication de la mer. Ils lui faisaient un crime d’être entré dans la ligue d’Argos et de Lacédémone, et d’avoir été, par sa retraite, la principale cause de la dispersion de leur armée, lorsque, sous le commandement de Nicias, ils se disposaient à la guerre contre les Chalcidiens de Thrace et d’Amphipolis, et qu’il feignait d’être encore dans leur alliance. Il fut donc regardé comme ennemi. Ce fut par ces événemens que l’hiver finit avec la quinzième année de la guerre.

LXXXIV. L’été suivant[5], Alcibiade fit voile pour Argos avec vingt vaisseaux, et enleva trois

  1. Quinzième année de la guerre du Péloponnèse, troisième année de la quatre-vingt-dixième olympiade, quatre cent dix-sept ans avant l’ère vulgaire. Après le 2 avril.
  2. Quinzième année de la guerre du Péloponnèse, quatrième année de la quatre-vingt-dixième olympiade, quatre cent dix-sept ans avant l’ère vulgaire. Après le 16 septembre.
  3. En septembre.
  4. Seizième année de la guerre du Péloponnèse, quatrième année de la quatre-vingt-dixième olympiade, quatre cent dix-sept ans avant l’ère vulgaire. Depuis le 12 mars.
  5. Entre le mois de janvier et le 22 mars.