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nations ne pourrait traiter sans l’autre, à moins que ceux-ci ne consentissent à recevoir la trêve. Les députés avaient ordre d’ajouter que si Lacédémone s’obstinait dans l’injustice, Athènes allait recevoir les Argiens dans son alliance, et que déjà même ils étaient arrivés pour cet objet. En expédiant Nicias et ses collègues, on leur donna des instructions sur tous les autres griefs. A leur arrivée, ils annoncèrent les différens objets de leur mission, et finirent par déclarer que si Lacédémone ne renonçait pas à l’alliance des Bœotiens, en cas qu’ils ne voulussent pas accepter la trêve, Athènes, de son côté, admettrait dans son alliance les Argiens et leurs amis. Les Lacédémoniens répondirent qu’ils ne renonceraient pas à l’alliance de la Bœotie ; c’est que l’éphore Xénarès et sa faction surent prendre l’ascendant, et ce furent eux qui dictèrent cette réponse. Cependant, à la réquisition de Nicias, le serment de la trêve fut renouvelé. Il craignait de se retirer sans avoir pu rien obtenir, et de devenir l’objet de mauvais propos, comme il le fut en effet, parce qu’on le regardait comme l’auteur de la trêve avec Lacédémone. À son retour, quand les Athéniens apprirent qu’il n’avait rien obtenu, ils se livrèrent à l’emportement. Les Argiens et leurs alliés se trouvaient là ; Alcibiade les introduisit dans l’assemblée, et ils conclurent un traité de paix et d’alliance offensive et défensive aux conditions suivantes :

XLVII. « Les Athéniens, les Argiens, les Mantinéens et les Éléens, pour eux-mêmes et pour les alliés qu’ils ont respectivement sous leur domination, ont conclu entre eux une paix de cent ans, sans dol ni dommage, par terre et par mer.

« Il sera interdit aux Argiens, aux Éléens, aux Mantinéens et à leurs alliés, de porter les armes dans des vues nuisibles contre les Athéniens et contre les alliés que les Athéniens ont sous leur domination ; et aux Athéniens et leurs alliés contre les Argiens, les Éléens, les Mantinéens et leurs alliés, ni d’employer contre eux aucune ruse ni aucune intrigue.

« À ces conditions, les Athéniens, les Argiens, les Éléens et les Mantinéens seront alliés pendant cent ans ; et si des ennemis entrent sur les terres des Athéniens, les Argiens, les Éléens et les Mantinéens porteront des secours à Athènes, sur l’avis que leur en donneront les Athéniens, de la manière la plus vigoureuse qu’il sera possible, et suivant leur pouvoir.

« Si les ennemis se retirent après avoir ravagé la contrée, leur pays sera ennemi des Argiens, des Mantinéens, des Éléens et des Athéniens, et sera livré aux hostilités de toutes ces républiques : et aucune de ces républiques ne pourra faire la paix avec ce pays sans l’aveu de toutes.

« Les Athéniens donneront des secours à Argos, à Mantinée, à Élis, si des ennemis entrent sur les terres des Éléens, des Mantinéens, des Argiens, sur l’avis qui leur sera donné par ces villes, de la manière la plus vigoureuse qu’il leur sera possible, suivant leur pouvoir.

« Et si ces ennemis, après avoir ravagé le territoire, se retirent, leur pays sera considéré comme ennemi des Athéniens, des Argiens, des Mantinéens, des Éléens, et sera livré aux hostilités de toutes ces républiques, et il ne sera permis de lui accorder la paix que du consentement de toutes.

« Elles ne souffriront pas que des gens armés, dans des intentions hostiles, traversent leur pays, ni celui des alliés soumis à leur domination, ni la mer, à moins que cette permission n’ait été décrétée par les villes d’Athènes, d’Argos, de Mantinée et d’Élis.

« La ville qui demandera des secours sera tenue de fournir aux troupes qui lui en viendront apporter, des vivres pour trente jours, à compter du jour de leur arrivée dans la ville qui les aura mandés, et en proportion au retour.

« Si la ville qui aura mandé ces troupes veut en faire usage plus long-temps, elle leur donnera, à titre de subsistance, trois oboles d’Égine par jour pour chaque hoplite, homme de troupes légères et archer, et une drachme d’Égine à chaque cavalier.

« Ce sera la ville qui aura demandé des secours qui jouira du commandement tant que la guerre se fera sur son territoire ; mais si les villes jugent à propos de porter quelque part la guerre en commun, elles auront toutes une part égale au commandement.

« Les Athéniens jureront ce traité pour eux-mêmes et pour leurs alliés : les Argiens, les Mantinéens, les Éléens et leurs alliés jureront par ville. Chacune prêtera le serment regardé comme le plus grand de tous dans le pays, en immolant des victimes parfaites.