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commun consentement. Ces articles seront observés avec justice, avec zèle, et sans fraude.

« Si quelques ennemis entrent sur le territoire d’Athènes, et y exercent des hostilités, les Lacédémoniens y porteront les secours les plus puissans, suivant leur pouvoir ; si les ennemis se retirent après avoir ravagé la campagne, ils seront ennemis de Lacédémone et d’Athènes ; les deux puissances leur feront la guerre, et ne leur accorderont la paix que d’un commun consentement. Ces articles seront observés avec justice, avec zèle et sans fraude.

« Si les esclaves se soulèvent, les Athéniens porteront des secours aux Lacédémoniens de toutes leurs forces, autant qu’il sera en leur puissance.

« Ce traité sera juré des deux côtés par ceux qui ont juré les premières conventions. Il sera renouvelé tous les ans ; et, pour cet effet, les Lacédémoniens se rendront à Athènes aux fêtes de Bacchus, et las Athéniens à Lacédémone, à celles d’Hyacinthe.

« Les deux peuples élèveront chacun une colonne, l’une à Lacédémone, près du temple d’Apollon, dans l’Amyclée, et l’autre à Athènes, dans la citadelle, près du temple de Pallas[1].

« Si les Lacédémoniens et les Athéniens jugent à propos d’ajouter quelque chose à ce traité, ou d’en retrancher, ils le pourront sans enfreindre leur serment. »

XXIV. Le serment fut prêté, du côté de Lacédémone, par Plistoanax, Agis, Plistolas, Damagète, Chionis, Métagène, Achante, Daïthe, Ischagoras, Philocharidas, Zeuxidas, Anthippe, Alcinadas, Tellis, Empédias, Ménas, Laphilus : et de la part d’Athènes, par Lampon, Isthmionique, Lachès, Nicias, Euthydème, Proclès, Pythodore, Agnon, Myrtile, Thrasyclès, Théagène, Aristocrate, Iolicus, Timocrate, Léon, Lamachus, Démosthène.

Cette alliance fut conclue peu de temps après la trêve. Les Athéniens rendirent aux Lacédémoniens les prisonniers qu’ils avait faits à Sphactérie, et l’été de la onzième année commença. J’ai écrit de suite ce qui s’est passé dans ces dix années de la première guerre.

XXV. Après le traité de paix et d’alliance conclu entre les Lacédémoniens et les Athéniens à la suite de la guerre de dix ans, Plistolas étant éphore de Lacédémone, et Alcée, archonte d’Athènes, la paix fut établie entre les peuples qui consentirent à la recevoir[2]. Mais les Corinthiens et quelques habitans des villes du Péloponnèse troublèrent cet accord, et de nouveaux mouvemens des alliés s’annoncèrent aussitôt contre les Lacédémoniens. Ceux-ci, dans la suite du temps, devinrent eux-mêmes suspects aux Athéniens, pour n’avoir pas rempli certains articles du traité. Cependant il s’écoula sept ans et deux mois sans que les deux peuples portassent les armes dans le pays l’un de l’autre ; mais au dehors, malgré cette trêve mal assurée, ils se faisaient réciproquement beaucoup de mal. Obligés enfin de la rompre après un intervalle de dix ans, ils en vinrent à une guerre ouverte.

XXVI. Le même Thucydide d’Athènes a écrit ces événemens dans l’ordre qu’ils se sont passés, par été et par hiver, jusqu’aux temps où les Lacédémoniens détruisirent la domination d’Athènes, et s’emparèrent des longues murailles et du Pirée. Jusqu’à cette époque, la durée de la guerre fut en tout de vingt-sept ans. Ce serait à tort qu’on voudrait ne pas regarder comme un temps de guerre, celui qui s’écoula pendant la trêve. On n’a qu’à considérer cette période par les faits, tels que nous les avons rapportés, et l’on verra qu’on ne peut la regarder comme un temps de paix, puisque, dans sa durée, on ne fit ni ne reçut de part et d’autre toutes les restitutions qui avaient été convenues. D’ailleurs, sans parler des guerres de Mantinée et d’Épidaure, les deux partis eurent encore d’autres reproches à se faire, et les alliés de Thrace ne cessèrent de se conduire en ennemis. Quant aux Bœotiens, ils ne firent qu’une suspension d’armes de dix jours[3]. Ainsi donc, en joignant en semble la première guerre de dix ans, la trêve mal assise qui la suivit, et la guerre qui lui succéda, on trouvera le même nombre d’années

  1. Il faut sous-entendre que le traité devait être inscrit sur ces colonnes.
  2. Depuis le 18 mars.
  3. Cela ne signifie pas que cette trêve ou suspension d’armes ne dût avoir qu’une durée de dix jours, mais qu’elle devait durer dix jours, après que l’un ou l’autre parti aurait déclaré qu’il y voulait renoncer. D’autres passages de notre auteur prouvent que ces trêves de dix jours étaient quelquefois de longue durée, et que certaines villes aimaient mieux s’en contenter que d’en solliciter de plus longues.