Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

points contestés, sans recourir à des voies hostiles.

« Voilà ce qui semble convenable aux Lacédémoniens et aux alliés. Si vous croyez qu’il y ait à faire quelque chose de mieux et de plus juste, vous pouvez venir à Lacédémone, et nous en instruire ; ni les Lacédémoniens ni les alliés ne s’éloigneront en rien de ce que vous pourrez dire de juste.

« Ceux qui viendront seront chargés de pouvoirs qui feront connaître leur mission, comme vous voulez que nous fassions de notre côté.

« Le traité tiendra pendant un an. Ainsi a-t-il semblé bon au peuple.

« La tribu Acamantide présidait ; Phœnippe était greffier et Niciade épistate. Lachès prononça : que ce soit pour le bonheur des Athéniens. Il y aura trêve, suivant que les Lacédémoniens et leurs alliés en conviennent. Les magistrats ont consenti, en présence du peuple, à ce qu’il y eût trêve pendant un an, à commencer du quatrième jour après le dix du mois élaphébolion. Pendant la durée du traité, les députés et les hérauts, de part et d’autre, négocieront pour parvenir à des moyens de terminer la guerre. Les généraux et les prytanes convoqueront des assemblées où les Athéniens délibéreront sur la paix toutes les fois qu’il viendra quelque députation relative à cet objet ; et les députés, en présence du peuple, s’engageront à maintenir la trêve pendant l’année. »

CXIX. Ces articles furent arrêtés et convenus entre les Lacédémoniens, les Athéniens et les alliés respectifs, à Lacédémone, le douze du mois gérastion. Ils furent ratifiés et garantis pour Lacédémone, par Taurus, fils d’Échélimidas, Athénée, fils de Périclidas, Philocharidas, fils d’Eryxidaïdas ; pour Corinthe, par Æneas, fils d’Ocyte, Euphamidas, fils d’Aristonyme ; pour Mégare, par Nicase, fils de Cécale, et Ménécrate, fils d’Amphidore ; pour Épidaure, par Amphias, fils d’Eupæïdas ; pour Athènes, par les généraux Nicostrate, fils de Diltréphès, Nicias, fils de Nicératus, Autoclès, fils de Tolmæe. Ainsi fut conclue la trêve, et tant qu’elle dura, il y eut des négociations pour parvenir à une paix définitive.

CXX. Dans ces mêmes journées où les parties belligérantes traitaient entre elles, Scione, ville de Pellène, se détacha des Athéniens pour se donner à Brasidas. Les Scioniens prétendent tirer leur origine des Pellènes du Péloponnèse : ils racontent que leurs ancêtres, au retour de Troie, furent portés par la tempête qui tourmenta les Grecs dans la contrée où ils se sont établis. Brasidas, pour favoriser leur défection, cingla pendant la nuit vers Scione. Une trirème des alliés le précédait : lui-même suivait sur un bâtiment léger. C’était pour être défendu par la trirème, s’il lui arrivait d’être attaqué par un bâtiment plus fort que le sien ; ou si l’on rencontrait une autre trirème de force égale, il pensait qu’elle ne se tournerait pas contre le bâtiment le plus faible, et que, pendant le combat, il aurait le temps de se sauver. Il fit heureusement la traversée et tint aux habitans de Scione les mêmes discours qu’aux Acanthiens et au peuple de Toroné ; ajoutant qu’ils méritaient les plus grands éloges, eux qui, renfermés dans l’isthme de Pellène par les Athéniens, maîtres de Potidée, et que l’on pouvait regarder comme des insulaires, avaient couru d’eux-mêmes au-devant de la liberté, sans attendre timidement que la nécessité les obligeât de chercher leur bonheur ; que c’était un signe assuré qu’ils seraient capables de soutenir avec courage les plus grandes épreuves, s’ils passaient sous la constitution qu’ils désiraient ; qu’il les regarderait comme les plus fidèles amis de Lacédémone, et leur témoignerait toute l’estime qu’ils méritaient.

CXXI. Les Scioniens sentirent leur courage s’accroître à ce discours, et tous animés de la même audace, ceux même à qui d’abord avait déplu ce qui se passait résolurent de supporter la guerre avec allégresse. Non contens de faire le plus honorable accueil à Brasidas, ils lui décernèrent, aux frais du public, une couronne d’or, comme au libérateur de la Grèce ; et, en particulier, ils lui ceignirent la tête de bandelettes et le traitèrent comme un athlète victorieux. Il leur laissa pour le moment quelques troupes de garnison et partit ; mais bientôt après il leur fit passer des forces bien plus considérables, dans le dessein de faire avec eux des tentatives sur Mendé et sur Potidée. Il pensait que les Athéniens ne pouvaient manquer de venir au secours d’une possession qu’ils regardaient comme une île, et il voulait les prévenir. Il lia quelques intelligences dans ces villes pour les avoir par trahison, et en même temps il se disposait à les attaquer.