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nombre de bâtimens leur ôtait l’usage de la mer, et ils se préparaient à rassembler une flotte pour ne plus dissimuler cette insulte. Les Athéniens équipèrent quarante vaisseaux pour les leur envoyer : ils jugeaient que c’était le moyen de mettre plus tôt fin à cette guerre, et ils voulaient en même temps se maintenir dans l’exercice de la marine. Ce n’était que pour commencer qu’ils expédiaient d’abord Pythodore, seul des généraux, avec peu de bâtimens : ils devaient faire partir Sophocle, fils de Sostratide, et Eurymédon, fils de Théoclès, avec une flotte plus considérable. Pythodore, après avoir pris le commandement des vaisseaux qu’avait eus Lachès, s’embarqua sur la fin de l’hiver pour une forteresse que Lachès avait prise : il fut battu, et s’en retourna.

CXVI. Dans le même printemps[1] un torrent de feu coula de l’Etna, comme cela était déjà arrivé. Il ravagea en partie le pays des Catanéens, qui logent au pied de cette montagne, la plus haute de la Sicile. On dit que cette éruption arriva la cinquantième année après la première, et qu’en tout il y a eu trois éruptions, depuis que la Sicile est occupée par des Grecs. Voilà quels furent les événemens de cet hiver : il mit fin à la dixième année de la guerre que Thucydide a écrite.


LIVRE QUATRIÈME.


I. Le même été, vers le temps où le blé commence à monter en épis[2], dix vaisseaux de Syracuse, et autant de Locres, vinrent à Messine : c’étaient les citoyens qui les avaient mandés. Ils prirent possession de cette ville qui fut détachée de l’alliance d’Athènes. Ce qui avait surtout engagé les Syracusains dans cette entreprise, c’est qu’ils regardaient cette place comme une clef de la Sicile : ils craignaient que les Athéniens n’en sortissent un jour pour les attaquer avec des forces supérieures. Le motif des Locriens était leur haine contre Rhégium, qu’ils voulaient tourmenter par terre et par mer. Pendant qu’on envahissait Messine, ils se jetèrent avec toutes leurs forces sur les campagnes des Rhégiens, pour empêcher les habitans d’aller au secours de la ville. Ils étaient d’ailleurs animés par les bannis de Rhégium qu’ils avaient auprès d’eux ; car, depuis long-temps la discorde régnait dans cette république, et elle ne se trouvait pas alors en état de résister aux Locriens. C’est ce qui les engageait d’autant plus à l’attaquer. Ils ravagèrent les champs et retournèrent chez eux par terre : leurs vaisseaux étaient en garde devant Messine. Ils en équipèrent d’autres qui devaient y rester en station et partir de là pour faire des courses.

II. Vers la même époque du printemps, avant que le blé fût encore en épis, les Péloponnésiens et leurs alliés firent une invasion dans l’Attique. Agis, fils d’Archidamus, roi de Lacédémone, les commandait. Ils établirent leur camp sur le territoire ennemi, et le ravagèrent.

Les Athéniens, de leur côté, firent partir les quarante vaisseaux qu’ils avaient équipés pour la Sicile, et que commandaient Eurymédon et Sophocle ; car le troisième général, Pythodore, était dès lors arrivé. On leur recommanda de secourir, en passant, les Corcyréens de la ville que mettaient au pillage les bannis réfugiés sur les montagnes. On avait envoyé du Péloponnèse au secours de ces derniers, soixante vaisseaux dans l’idée qu’ils n’auraient pas de peine à se rendre maîtres de la ville qu’une horrible famine désolait. Les Athéniens, à la prière de Démosthène, qui était sans emploi depuis son retour

  1. Septième année de la guerre du Péloponnèse, troisième année de la quatre-vingt-huitième olympiade, quatre cent vingt-six ans avant l’ère vulgaire. Avant et après le 1er avril.
  2. Sixième année de la guerre du Péloponnèse, troisième année de la quatre-vingt huitième olympiade, quatre cent vingt-six ans avant l’ère vulgaire. Après le 1er avril.