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général de tous les habitans. Ils craignaient qu’il ne fût impossible à Euryloque de traverser le pays des Acarnanes, et qu’eux-mêmes ne se trouvassent ou réduits à combattre seuls, ou exposés à de grands dangers s’ils voulaient faire une retraite.

CVI. Mais Euryloque et ses Péloponnésiens ne furent pas plus tôt informés de la marche des Ambraciotes qui étaient à Olpès, qu’ils partirent de Proschium pour le soutenir le plus tôt qu’il serait possible. Ils passèrent l’Achéloüs, et traversèrent l’Acarnanie qu’ils trouvèrent abandonnée, parce que les habitans étaient partis pour aller au secours d’Argos. Ils avaient à leur droite la ville de Stratos et la forteresse, et à leur gauche le reste de l’Acarnanie. Ils traversèrent la campagne des Stratiens, passèrent par Phylie, par l’extrémité de Médéon et par Limnées. Ils entrèrent chez les Agræens qui étaient leurs amis depuis qu’ils étaient brouillés avec les Acarnanes. Ils gagnèrent la partie inculte du mont Thyamus, le franchirent, et la nuit commençait quand ils descendirent dans l’Argie. Ils passèrent entre la ville d’Argos et l’armée d’observation des Acarnanes, qui était aux Fontaines, ne furent pas aperçus, et se joignirent aux Ambraciotes qui étaient devant Olpès.

CVII. La jonction opérée, ils s’arrêtèrent au point du jour à la vue d’une place nommée Métropolis, et y campèrent. Les Athéniens arrivèrent peu après, avec les vingt vaisseaux, au golfe d’Ambracie, pour secourir les Argiens ; Démosthène arriva aussi avec deux cents hoplites messéniens et six cents archers d’Athènes. La flotte mit à l’ancre devant la colline sur laquelle s’élève Olpès. Les Acarnanes et un petit nombre d’Amphiloques, car la plupart étaient retenus de force par les Ambracioles, s’étaient déjà réunis à Argos et se préparaient au combat. Démosthène fut élu général de toute cette fédération, et il partageait le commandement avec les généraux des alliés ; il les conduisit près d’Olpès et y établit son camp : un ravin profond séparait les deux armées.

On se tint cinq jours en repos, et le sixième on se mit des deux côtés en ordre de bataille. Comme l’armée péloponnésienne était la plus forte et occupait le plus de terrain, Démosthène craignit d’être enveloppé et mit en embuscade, dans un chemin creux masqué par des buissons, des hoplites et des troupes légères, au nombre en tout de quatre cents. Son dessein était qu’au fort de l’action, ils se levassent et prissent à dos les ennemis du côté où ceux-ci auraient de l’avantage.

Quand tout fut prêt des deux côtés, on en vint aux mains. Démosthène était à l’aile droite avec les Messéniens et quelques Athéniens ; les Acarnanes, suivant que chacun d’eux avait été placé, formaient l’autre aile avec ce qu’on avait d’archers amphiloques. Les Péloponnésiens et les Ambraciotes étaient mêlés ensemble, excepté les Mantinéens ; ceux-ci étaient, pour le plus grand nombre, placés à la gauche et serraient les rangs ; ce n’était pas eux, mais Euryloque qui formait la pointe de cette aile avec ses troupes ; il se trouvait opposé aux Messéniens et à Démosthène.

CVIII. Déjà la bataille était commencée ; déjà l’aile où combattaient les Péloponnésiens avait l’avantage et enveloppait la droite des ennemis, quand les Acarnanes placés en embuscade les prennent en queue, les frappent, les mettent en fuite ; il ne leur reste pas le courage de résister, et, saisis de crainte, ils entraînent avec eux la plus grande partie des troupes ; elles ne virent pas plus tôt l’aile que commandait Euryloque et ce qui composait la plus grande force de l’armée mis en déroute, qu’elles tombèrent dans une extrême terreur. Les Messéniens qui, sous la conduite de Démosthène, étaient opposés à cette aile, eurent surtout l’honneur de cette victoire. Cependant les Ambraciotes et ceux de l’aile droite étaient vainqueurs de leur côté et pour suivaient les ennemis vers Argos. Ce sont les hommes les plus belliqueux du pays ; mais quand à leur retour ils virent la défaite du principal corps de leur armée, vivement pressés eux-mêmes par les autres Acarnanes, ce fut avec peine qu’ils se sauvèrent à Olpès ; un grand nombre périt en se jetant confusément et sans ordre dans cette place. Les Mantinéens firent leur retraite avec plus de discipline que le reste de l’armée. L’action finit sur le soir.

CIX. Le lendemain, comme Euryloque et Macarius avaient été tués, Ménédée prit le commandement. Après une telle défaite, renfermé du côté de la terre et exclus de la mer par la flotte athénienne, il ne savait comment soutenir un siège ni comment s’ouvrir une retraite ; il fit