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aperçu, lorsqu’il mouillait encore devant Claros, la Salaminienne et le Paralus qui venaient d’Athènes et se trouvaient dans ces parages[1]. Dans la crainte d’être poursuivi, il tint la haute mer, résolu de ne prendre terre volontairement que dans le Péloponnèse. Pachès et les Athéniens reçurent d’abord cette nouvelle d’Érythrée et ensuite de toutes parts. Comme l’Ionie n’est pas fortifiée, on était dans une grande crainte que les Péloponnésiens, même sans avoir intention de s’arrêter, n’attaquassent les villes en passant et ne les saccageassent. La Salaminienne et le Paralus annoncèrent qu’elles avaient vu elles-mêmes Alcidas à Claros. Pachès se mit en hâte à sa poursuite, le poussa jusqu’à la hauteur de Latmos, et retourna enfin quand il reconnut qu’il n’était plus possible d’attaquer l’ennemi. Il regardait comme un avantage, puisqu’il ne l’avait point joint en haute mer, de ne l’avoir atteint nulle part, et de n’avoir pas été dans la nécessité de prendre des campemens, d’établir des corps d’observation, et de mettre à l’ancre devant la flotte d’Alcidas.

XXXIV. A son retour, il relâcha au port de Notium. Il appartenait aux Colophoniens qui s’y étaient établis quand la ville haute eut été prise par Itaruè.e et les Barbares qu’une faction avait appelés. Cet événement était arrivé à peu près dansle temps que les Péloponnésiens avaient fait leur seconde invasion dans l’Attique. Il y eut de nouvelles dissensions entre ceux qui avaient cherché un refuge à Notium et les anciens habitans. Les derniers ayant reçu de Pissuthnès des secours composés d’Arcadiens et de Barbares, les logèrent dans l’enceinte de leurs murs, et les Colophoniens de la ville haute, qui tenaient pour les Mèdes, se joignirent à eux et s’emparèrent du gouvernement. L’autre parti, qui s’était soustrait à cette faction et qui vivait dans l’exil, appela Pachès. Celui-ci fit inviter à des conférences Hippias, chef des Arcadiens qui étaient dans la place, avec promesse de l’y remettre sain et sauf si l’on ne pouvait s’accorder. Hippias vint ; Pachès le retint sous une bonne garde, mais sans le mettre aux fers, et attaqua inopinément les murailles ; comme on ne s’attendait pas à ce coup de main, il les enleva, et donna la mort aux Arcadiens et à tout ce qui s’y trouvait de Barbares. Il y fit reconduire Hippias, comme il en était convenu, et dès que ce malheureux y fut rentré, on le saisit et on lui donna la mort à coups de flèches. Il rendit Notium aux Colophoniens, en excluant ceux du parti des Mèdes ; mais, dans la suite, les Athéniens y firent passer une colonie qui se gouverna suivant leurs lois, y réunissant des différentes villes tout ce qui s’y trouvait de Colophoniens.

XXXV. Pachès, arrivé à Mitylène, soumit Pyrrha et Éresse. Il prit le Lacédémonien Salæthus qui était caché dans la ville, et le fit partir pour Athènes avec les Mityléniens qu’il avait déposés à Ténédos, et tous ceux qu’il regardait comme les auteurs de la défection. Il renvoya la plus grande partie de l’armée, resta lui-même avec les troupes qu’il réservait, et mit à Mitylène et dans l’île de Lesbos, l’ordre qu’il crut à propos d’établir.

XXXVI. A l’arrivée des Mityléniens et de Salæthus, les Athéniens mirent le dernier à mort, malgré toutes les offres qu’il put faire ; entre autres celle d’éloigner de Platée les Lacédémoniens qui la tenaient encore assiégée. Ils délibérèrent ensuite sur la destinée des autres. Dans la chaleur de leur ressentiment, ils crurent devoir faire mourrir non-seulement ceux qu’ils avaient entre les mains, mais tous les Mityléniens qui se trouvaient en âge d’hommes, et réduire en servitude les enfans et les femmes, Ils ne leur reprochaient pas seulement de s’être livrés à la défection, quoique traités avec plus d’égards que les autres alliés, mais ce qui ne contribuait pas faiblement à les irriter, c’était que, pour secourir Mitylène, les vaisseaux du Péloponnèse n’avaient pas craint de se hasarder sur les côtes de l’Ionie ; et il paraissait assez que leur soulèvement n’avait pas été la suite d’une légère délibération. Ils firent partir une trirème pour donner avis de cette résolution à Pachès, avec ordre de faire périr sans délai les Mityléniens. Mais dès le lendemain ils se repentirent. Ils se représentaient combien il était atroce de

  1. La Salaminienne et le Paralus, deux célèbres trirèmes, dont la première était surtout destinée à amener à Athènes les hommes prévenus de crime qui étaient appelés en justice, et la seconde, à transporter à leur destination les députés qu’on expédiait pour remplir quelques actes religieux. Cependant on amenait aussi quelquefois les accusés sur le Paralus. Ce fut la Salaminienne qui vint chercher en Sicile Alcibiade prévenu de sacrilège. (Thucydide, liv. vi, chap. liii.)