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moulture, de chacun sac de blé, ou de farine, vne certaine mesure limitée, plus grande ou petite selon la diuersité des lieux, & ceux qui en prennent d’auantage sont tenuz pour larrons & gens de mauuaise conscience. De mesme sont estimez tous ceuz lesquels és choses où ils ont droict de prendre, mais estant reiglé & limité, ne se contentent de l’ordinaire & exigent au double de ce qu’ils doyuent auoir : Ou bien ceux qui d’vn mesme labeur prennent salaire de diuers endroicts.

A veuë de païs.

Ce prouerbe est vsité quand quelqu’vn parle, iuge, & determine de quelque chose grossierement, & selon ce qu’il luy semble, sans en auoir autre plus exacte cognoissance. Pris de ceux lesquels par les champs jettans la veuë sur quelque chose esloignée d’eux, iugent au plus pres de la verité de sa grosseur & longueur, & de sa distance, du lieu où ils sont. C’est le contraire du Latin, Adamußim.

A goupil endormy rien ne tombe en la gueule.

Ce prouerbe nous apprend que pour auoir sa vie, & s’entretenir au monde, il ne suffit pas d’estre bien aduisé & sçauoir ce qu’il faut faire, mais y faut employer le foin & la diligence, & comme on dict, mettre la main à la besongne. Cela est pris du Renard, lequel encor qu’il soit tenu entre les autres bestes pour l’vn des plus cruels & industrieux a trouuer sa nourriture, neantmoins s’il demeuroit tousiours dormant en son creux & terrier, aucune viande n’entreroir iamais en son ventre, & demeureroit à ieun. Faut noter en passant que Goupil est vn vieil terme François, l’animal que l’on appelle maintenant Renard. En mesme fens on dict : Attendre que les alouettes tombent en la bouche toutes rosties.


Retournons à noz moutons.

Quand en quelque long discours, apres s’estre aucunement esgaré & faict quelques digressions qui sont hors de la matiere, on veut rentrer en son premier propos, l’on a accoustumé d’vser de ce prouerbe. L’origine d’iceluy est pris des bergers, lesquels s’esgayans par les campagnes, folastrent quelquefois & dancent dans prairies, cependant que leur bestial paist. Et comme ils craignent que les loups ne ioüent leur personnage d’vn autre costé bien souuent, ils s’aduisent que leur troupeau est à l’abandon, & disent : Retournons à noz moutons. A cela peut respondre ce vers de Virgile :

Claudite iam riuos pueri sat prata biberunt.

Les Orateurs ont mille gaillardes feintes pour se remettre en leur sentier : mais elles sont escartées de nostre subiect.

Faire un trou à la nuict.

Si aucun part de quelque lieu à la desrobée, sans que personne en sçache rien, & mesmes lors qu’on l’eust le moins soupçonné, on vse de ce prouerbe. Il a faict un trou à la nuict. C’est vne metaphore prise des lieuz fermez de murailles ou autre clostures, & dont la porte est fermée de nuict, de sorte que ceuz qui en voudroient sortir deuant le iour venu, seroient contraincts de faire vne bresche ou pertuis à sa muraille, pour passer. Cela est de mesmes à ceuz lesquels pour n’estre apperceuz de personne, s’en vont de nuict, comme si la nuict estoit vn clos, auquel il faudroit faire vn trou, pour passer deuant l’arriuée du iour, qui seroit comme l’ouuerture de la porte.

FIN.