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GAL. ET LATINA. 11


Tanquam cæcus de coloribus.

De meschante vie les bonnes loix sont venues.

Ex malis moribus bona leges nata sunt.

Mon blé est encores en herbe.

Meßu mea adbuc in herba est.

Il en a iusques aux oreilles : Il en a ce qu’il luy en faut.

Ad ambas vsque aures.

Qui est content en sa pauureté, est merueilleusement riche.

Cui cum paupertate conuenit, is maximè d’iues est.

Qui se combat n’est pas mort.

Nondum succubust pugnans.

Fortune n’espargne ny seruiteur ny maistre.
Elle donne & reprend, tel est son estre.

Nemini parcit fortuna variabilis.

Il commence bien à mourir qui abandonne son desir.

Cupiditati mortuas didicit mori.

Le pourpre au soc mort d’egal poix balance.

Mors sceptra ligonibua æquat.

Il est assis à la table de son maistre.

In vxorio imperio viuit.

Sans estre poursuyui le meschant prent la fuite.


Fugit impius nomine persequente.

De tous bienfaits grande est la recompense.

Bene factorum retributio nimis.

Tous les enfans en vont à la moustarde.

Zippis, & conferibus notum est.

Bonne terre, mauuais chemin :
Bon aduocat, mauuais voisin :
Bonne femme, mauuaise teste :
Bonne mule, mauuaise beste.

Facunda terra itineri est incommoda :

Boni aduocati noxia est vicinia :

Bona mulieris improbom caput fuge :

Bonique muli sub dolam calcem caue.

Tout ouyr, tout voir & rien dire.
Merite en tout temps qu’on l’admire.

Audi, vide, tare, si vis vissere in pace.

Grande moisson l’obeissant recueille.

Meßis abundans obedientibus.


Se approbauit GEORG. COLVENERIVS S.T.L. Lit.
& Profess. & Libr. Visitator,


EXPLICATIONS MORALES
D’AVCVNS PROVERBES COMMVNS EN LA
LANGVE FRANCOYSE.


Auoir deux chordes en son arc.

E prouerbe se peut appliquer à ceux lesquels ayās quelque entreprinse en main, ont diuers moyens pour l’executer, & peuuent choisir, ou bien en defaut de l’vn auoir recours l’autre : Et est vne similitude prise de ceux qui tirèt d’vn arc, lequel auroit deux cordes, l’vne desquelles se rompant, on se pourra seruir de l’autre.

Entre deux selles le cul à terre.

Cestuy-ci se dit proprement de ceus lesquels ayans diuerses commoditez de se mettre à leur aise, par faure de sçuoir bien choisir, & prendre l’occasion à propos de l’vne ou de l’autre, demeurent priués de toutes les deux.

Il a battu les buissons, vn autre a pris les oiseaux.

Ceci se peut dire de celuy lequel avant trauaillé quelque temps apres quelque chose, vn autre suruient qui en emporte le profit : Similitude tirée de ceux qui chassent aux petits oyseaux, lesquels estans mussez & cachez dedás les buissons, les vns pour les faire fortir frappent dessus auec des perches, les autres les attendent à quelque passage & les prennent.

Le mortier sent tousiours les aulx.

Ce prouerbe est propte á celuy lequel estant vne fois entaché de quelque vice, en retient tousiours les marques, & ne peut dissimuler ni cacher son inclination à iceluy : Tout ainsi qu’vn mortier dans lequel on a pilé des aulx, ne se peut tant lauer qu’il n’en retienne tousiours l’odeur : Et c’est ce que veut dire ce vers.

Quo semel est imbuta recens, feruabit odorem

Testa diu.

Tousiours souuient à Robin de ses flustes.

Ceci se dit quand quelqu’vn importunémét & sans propos fait mention de quelque chose qui luy est propre & n’a autre chose en la bouche. Prins d’vn certain gueux de Paris nómé Robin.

Les cousteaux Iehan Colot : l’vn vaut l’autre.

Ie ne scay ce prouerbe entendu par toute la France, estant bien vsité en Champagne, & particulierement en la ville de Troye. Ce Iean Colot estoit vn artisan facecieux & bon compagnon, lequel portoit ordinairement pendue à sa ceinture vne gaine, danslaquelle y auoit trois ou quatre cousteaux, tous de peu de valeur, & rarez de quelque defaut. L’vn auoit la pointe rompue, l’autre estoit esbreché au taillant, & l’autre ne couppoit point du tout. Et comme ce n’est que l’ordinaire des Francois de venir à la table sans cousteau, & d’emprunter celuy de son compagnon, aduint vne fois à certain bâquet que quelqu’vn as-


sis à table prés dudit Colot, le pria de luy prester vn de ses cousteaux : Ce qu’ayant esté fait & n’estant trouué au gré de l’emprunteur, le reprint & en tira vn autre de sa gaine qu’il luy donna, lequel n’estant meilleur que le premier fut pareillemet rendu, & vint on iusques au troisiesme qui ne se trouua de meilleure mise. Et de ce fut fait ce prouerbe lequel ce dit proprement de toutes choses où il n’y a pas grand choix. Et mesmes par metaphore des personnes qui vallent aussi peu l’vn que l’autre.

Sacs à charbonnier, l’vn gaste l’autre.

Ceci se dit des personnes lesquelles par trop familiere conuersation & accointance, se corrompent & deuiennent vicieux comme par contagion, tout ainsi qu’vn sac de charbonnier desia noir & poudreux, noircit tous les autres quelques blancs qu’ils soyent, qui touchent à luy.

A rude asne, rude asnier.

C’est à dire qu’il se faut porter l’endroir de ceux sur lesquels on a puissance, selon le subjet & occasion en dônent : C’est à dire conduire & gouuerner par douceur ses enfans, seruiteurs & autres domestiques qui se rendent traictables & obeissans : Et employer la verge & le batton sur ceux qui se monstrent & reuesches & desobeissans à l’exéple de ceux qui meinent les asnes.

A bon chat bon rat.

Ce prouerbe ne veut dire autre chose sinon à bon assailleur bô defendeur, qui eft vn autre prouerbe vsité entre gens de guerre.

Selon le bras, la seignée.

Ce prouerbe nous apprend qu’on ne doibt rien exiger de personne, soit du sang de la bourse, soit de son labeur & trauail, plus que la raison & l’equité le cômandent à l’exemple des bons medecins & chirurgiens, lesquels faisans seigner vn malade, examinent diligemmenr ses forces & sa portée, ne luy tirant du sang qu’autant qu’ils connoissent le pouuoir endurer.

D’vne pierre deux coups.

Ceci se peut entendre & en bien & en mal, de ceux lesquels sans beaucoup trauailler par leur industrie & dexterité, en vn seul traict font plusieurs & diuers effects. Comme celuy qui d’vn seul iect de pierre atteindroit deux personnes à la fois, ou l’vn apres l’autre.

D’une fille deux gendres.

Ceci s’entend de ceust qui d’vne mesme chose veulent tirer commodité de plusieurs : Comme quand vn riche homme a vne fille, & fait quelque demonstration de la vouloir donner en mariage tantost à l’vn, tantost à l’autre, dont il espere sous ce pretexte tirer quelque aduantage & proffit. Ce prouerbe se peut aussi adresser aux hommes doctes lesquels dedient leurs labeurs a plusieurs Princes & seigneurs, pour les presens qu’ils en esperent.


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