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ne doit pas tenir contre l’intérêt, & celui-ci doit toûjours avoir la préférence ſur le plaiſir.

Ah Ciel ! m’écriai-je, peut-on ſacrifier l’eſprit & la jeuneſſe à l’opulence, qui n’auroit pas le ſens commun..... oüi, ma Reine, interrompit-elle vivement, oüi, ſi l’on étoit prudente. Le plaiſir par-là ſe ménageroit des reſſources, dont on ne connoît l’utilité que lorſqu’elles manquent. Mais croïez-vous après tout qu’un amant ſpirituel ſoit ſi déſirable, plus ſoupçonneux qu’un autre ; il eſt plus incommode, plus clairvoyant, il eſt plus à charge, plus artificieux, il eſt plus habile à nous tromper, & il n’y manque guéres.

Qu’importe, lui dis-je, ma bonne, il n’y a pas de honte à être trompée de quelqu’un, & il y en a, ce me ſemble, à ſe défier de tout le monde ; c’eſt donner mauvaiſe opinion de ſon cœur. L’erreur favorable à l’objet que nous aimons, notre ſécurité ſur ſon compte, ſont plus capables de reveiller & de fortifier ſa tendreſſe que de nous avilir à ſes yeux.

Mais voilà le ſentiment tout pur,