désert du Sahara, tant qu’enfin, d’un coup de foudre, Jupiter le précipita tête baissée sur notre monde, pour le soleil en deuil de sa mort cesser toute une année de briller.
Il n’est pas odeur aussi nauséabonde que celle qui émane de la bonté corrompue. C’est humaine, c’est divine, charogne. Si je tenais pour certain qu’un homme soit venu chez moi dans le dessein bien entendu de me faire du bien, je chercherais mon salut dans la fuite comme s’il s’agissait de ce vent sec et brûlant des déserts africains appelé le simoun, lequel vous remplit la bouche, le nez, les oreilles et les yeux de sable jusqu’à l’asphyxie, de peur de me voir gratifié d’une parcelle de son bien – de voir une parcelle de son virus mélangé à mon sang. Non, – en ce cas plutôt souffrir le mal suivant la voie naturelle. Un homme n’est pas un homme bon, à mon sens, parce qu’il me nourrira si je meurs de faim, ou me chauffera si je gèle, ou me tirera du fossé, si jamais il m’arrive de tomber dans un fossé. Je vous trouverai un chien de Terre-Neuve pour en faire autant. La philanthropie dans le sens le plus large n’est pas l’amour pour votre semblable. Howard[1] était sans doute à sa manière le plus digne comme le plus excellent homme, et il a sa récompense ; mais, relativement, que nous font cent Howards, à nous, si leur philanthropie ne nous est d’aucune aide lorsque nous sommes en bon point, moment où nous méritons le plus que l’on nous aide ? Je n’ai jamais entendu parler de réunion philanthropique où l’on ait sincèrement proposé de me faire du bien, à moi ou à mes semblables.
Les jésuites se virent complètement joués par ces Indiens qui, sur le bûcher, suggéraient l’idée de nouveaux modes de torture à leurs tortionnaires. Au-dessus de la souffrance physique, il se trouva parfois qu’ils étaient au-dessus de n’importe quelle consolation que les missionnaires pouvaient offrir ; et la loi qui consiste à faire aux autres ce que vous voudriez qu’on vous fît, tomba avec moins de persuasion dans les oreilles de gens qui, pour leur part, ne se souciaient guère de ce qu’on leur faisait, aimaient leurs ennemis suivant un mode nouveau, s’en venaient là volontiers tout près leur pardonnant ce qu’ils faisaient.
Assurez-vous que l’assistance que vous donnez aux pauvres est bien celle dont ils ont le plus besoin, s’agît-il de votre exemple qui les laisse loin derrière. Si vous donnez de l’argent, dépensez-vous avec, et ne vous contentez pas de le leur abandonner. Il nous arrive de faire de curieuses méprises. Souvent le pauvre n’a pas aussi froid ni aussi faim qu’il est sale, déguenillé et ignorant. Il y va en partie de son goût, non pas seulement de son infortune.
- ↑ Howard (John), 1726-1790, célèbre philanthrope anglais à qui l’on doit l’amélioration du sort des prisonniers.