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nous cependant de la simplicité et de l’indépendance, qu’à Concord il est rare de trouver de fraîche et douce farine dans les boutiques, et que le hominy[1] comme le maïs sous une forme encore plus grossière, sont d’un usage fort rare. La plupart du temps le fermier donne à son bétail et à ses cochons le grain de sa production et achète plus cher à la boutique une farine qui pour le moins n’est pas plus salutaire. Je compris que je pouvais facilement produire mon boisseau[2], sinon deux, de seigle et de maïs, car le premier poussera sur la terre la plus pauvre, alors que le second n’exige pas la meilleure, les moudre dans un moulin à bras, de la sorte m’en tirer sans riz et sans porc ; et s’il est nécessaire de quelques douceurs, je découvris par expérience que je pouvais tirer une fort bonne mélasse soit de la citrouille, soit de la betterave, puis reconnus qu’en faisant simplement pousser quelques érables[3], je me les procurais plus facilement encore, et qu’enfin dans le temps où ceux-ci poussaient, je pouvais employer divers succédanés en dehors de ceux que j’ai nommés. « Car », ainsi les Ancêtres le chantaient :

_____« we can make liquor to sweeten our lips
Of pumpkins and parsnips and walnut-tree chips.[4]

Enfin, pour ce qui est du sel, ce produit si vulgaire d’épicerie, se le procurer pourrait être l’occasion d’une visite au bord de la mer, à moins que n’arrivant à m’en passer tout à fait, je n’en busse probablement que moins d’eau. Je ne sache pas que les Indiens aient jamais pris la peine de se mettre en quête de lui.

Ainsi pouvais-je éviter tout commerce, tout échange, autant qu’il en allait de ma nourriture, et, pourvu déjà d’un abri, il ne restait à se procurer que le vêtement et le combustible. Le pantalon que je porte actuellement, fut tissé dans une famille de fermiers – le Ciel soit loué qu’il y ait encore tant de vertu dans l’homme ; car je tiens la chute du fermier à l’ouvrier pour aussi grande et retentissante que celle de l’homme au fermier ; – et dans un pays neuf le combustible est un encombrement. Pour ce qui est d’un habitat, s’il ne m’était pas encore permis de m’établir sur une terre ne m’appartenant pas, je pouvais me rendre acquéreur d’un acre pour le prix auquel on vendait la

  1. Hominy, bouillie de maïs, très connue en Amérique et que l’on achète crue pour la faire cuire.
  2. Bushel, boisseau, 35 litres 234 aux États-Unis.
  3. Érable à sucre, originaire du nord des État-Unis et du Canada.
  4. « Nous savons faire une liqueur adoucissante aux lèvres
    De citrouille et panais et copeaux de noyer.
    (Vers tirés d’une chanson appelée Les Ennuis de la Nouvelle-Angleterre, composée par un des premiers colons, et qui passe pour la plus ancienne composition américaine connue.)