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le sable, que je revendiquai suivant le droit du squatter[1]. J’ai aussi un petit bûcher attenant, fait principalement de ce qui resta après la construction de la maison.


Je me propose de me construire une maison qui surpassera en luxe et magnificence n’importe laquelle de la grand’rue de Concord, le jour où il me plaira, et qui ne me coûtera pas plus que ma maison actuelle.

Je reconnus de la sorte que l’homme d’études qui souhaite un abri, peut s’en procurer un pour la durée de la vie à un prix ne dépassant pas celui du loyer annuel qu’il paie à présent. Si j’ai l’air de me vanter plus qu’il ne sied, j’en trouve l’excuse dans ce fait que c’est pour l’humanité plutôt que pour moi-même que je crâne ; et ni mes faiblesses ni mes inconséquences n’affectent la véracité de mon dire. En dépit de grand jargon et moult hypocrisie – balle que je trouve difficile de séparer de mon froment, mais qui me fâche plus que quiconque, – je respirerai librement et m’étendrai à cet égard, tant le soulagement est grand pour le système moral et physique ; et je suis résolu à ne pas devenir par humilité l’avocat du diable. Je m’emploierai à dire un mot utile en faveur de la vérité. Au collège de Cambridge[2], le simple loyer d’une chambre d’étudiant, à peine plus grande que la mienne, est de trente dollars par an, quoique la corporation eût l’avantage d’en construire trente-deux côte à côte et sous un même toit, et que l’occupant subisse l’incommodité de nombreux et bruyants voisins, sans compter peut-être la résidence au quatrième étage. Je ne peux m’empêcher de penser que si nous montrions plus de véritable sagesse à ces égards, non seulement moins d’éducation serait nécessaire, parce que, parbleu ! on en aurait acquis déjà davantage, mais la dépense pécuniaire qu’entraîne une éducation disparaîtrait en grande mesure. Les commodités que réclame l’étudiant, à Cambridge ou ailleurs, lui coûtent, à lui ou à quelqu’un d’autre, un sacrifice de vie dix fois plus grand qu’elles ne feraient avec une organisation convenable d’une et d’autre part. Les choses pour lesquelles on demande le plus d’argent ne sont jamais celles dont l’étudiant a le plus besoin. L’instruction, par exemple, est un article important sur la note du trimestre, alors que pour l’éducation bien autrement précieuse qu’il acquiert en fréquentant les plus cultivés de ses contemporains ne s’ajoutent aucuns frais. La façon de fonder un collège consiste, en général, à ouvrir une souscription de dollars et de cents, après quoi, se conformant aveuglément au principe d’une division du travail poussée

  1. En Amérique, celui qui s’établit sur des terres ne lui appartenant pas.
  2. L’Amérique, comme l’Angleterre, possède une ville universitaire de ce nom.