prix que nous les payons, ou ne payons pas, et à ce qui préside à la conduite comme à l’entretien de leur économie intérieure, je m’étonne que le plancher ne cède pas sous les pieds du visiteur dans le temps qu’il admire les bibelots couvrant la cheminée, pour le faire passer dans la cave jusqu’à quelque solide et honnête quoique terreuse fondation. Je ne peux m’empêcher de remarquer que cette vie soi-disant riche et raffinée est une chose sur laquelle on a bondi, et je me rends malaisément compte des délices offertes par les beaux-arts qui l’adornent, mon attention étant tout entière absorbée par le bond ; je me rappelle en effet que le plus grand saut naturel dû aux seuls muscles humains, selon l’histoire, est celui de certains Arabes nomades, qui passent pour avoir franchi vingt-cinq pieds en terrain plat. Sans appui factice l’homme est sûr de revenir à la terre au-delà de cette distance. La première question que je suis tenté de poser au propriétaire d’une pareille impropriété est : « Qui vous étaye ? Êtes-vous l’un des quatre-vingt-dix-sept qui font faillite, ou l’un des trois qui réussissent ? » Répondez à ces questions, et peut-être alors pourrai-je regarder vos babioles en les trouvant ornementales. La charrue devant les bœufs n’est belle ni utile. Avant de pouvoir orner nos maisons de beaux objets, il faut en mettre à nu les murs, comme il faut mettre à nu nos existences, puis poser pour fondement une belle conduite de maison et une belle conduite de vie : or, c’est surtout en plein air, où il n’est maison ni maître de maison, que se cultive le goût du beau.
Le vieux Johnson en son Wonder-Working Providence[1], parlant des premiers colons de cette ville-ci, colons dont il était le contemporain, nous dit : « Ils se creusent un trou en guise de premier abri au pied de quelque versant de colline, et, après avoir lancé le déblai en l’air sur du bois de charpente, font un feu fumeux contre la terre, du côté le plus élevé. » Ils ne « se pourvurent de maisons », ajoute-t-il, « que lorsque la terre, grâce à Dieu, produisit du pain pour les nourrir », et si légère fut la récolte de la première année, qu’« ils durent, pendant un bon moment, couper leur pain très mince ». Le secrétaire de la province des Nouveaux Pays-Bas, écrivant en hollandais, en 1650, pour l’enseignement de qui désirait y acquérir des terres, constate de façon plus spéciale que « ceux qui, dans les Nouveaux Pays-Bas, et surtout en Nouvelle-Angleterre, n’ont pas les moyens de commencer par construire des maisons de ferme suivant leurs désirs, creusent une fosse carrée dans le sol, en forme de cave, de six à sept pieds de profondeur, de la longueur et de la largeur qu’ils jugent convenable, revêtent de bois la terre à l’intérieur
- ↑ Traduction : La Providence en Travail de Merveilles, histoire de la fondation et des premiers temps du Massachusetts.