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d’autres ne l’aient adopté, contribuant de la sorte à le laisser visible. La surface de la terre est molle et impressionnable au pied de l’homme ; tel en est-il des chemins que parcourt l’esprit. Que doivent être usées autant que poudreuses donc les grand’routes du monde – que profondes les ornières de la tradition et de la conformité ! Je ne souhaitai pas de prendre une cabine pour le passage, mais d’être plutôt matelot de pont, et sur le pont du monde, car c’était là que je pouvais le mieux contempler le clair de lune dans les montagnes. Je ne souhaite pas de descendre maintenant.

Grâce à mon expérience, j’appris au moins que si l’on avance hardiment dans la direction de ses rêves, et s’efforce de vivre la vie qu’on s’est imaginée, on sera payé de succès inattendu en temps ordinaire. On laissera certaines choses en arrière, franchira une borne invisible ; des lois nouvelles, universelles, plus libérales, commenceront à s’établir autour et au dedans de nous ; ou les lois anciennes à s’élargir et s’interpréter en notre faveur dans un sens plus libéral, et on vivra en la licence d’un ordre d’êtres plus élevé. En proportion de la manière dont on simplifiera sa vie, les lois de l’univers paraîtront moins complexes, et la solitude ne sera pas solitude, ni la pauvreté, pauvreté, ni la faiblesse, faiblesse. Si vous avez bâti des châteaux dans les airs, votre travail n’aura pas à se trouver perdu ; c’est là qu’ils devaient être. Maintenant posez les fondations dessous.

C’est de la part de l’Angleterre et de l’Amérique une demande ridicule, que vous parliez de manière à ce qu’elles puissent vous comprendre. Les hommes pas plus que les champignons ne croissent de la sorte. Comme si c’était important, et qu’il n’y en ait pas assez sans elles pour vous comprendre. Comme si la Nature ne pouvait admettre qu’un seul ordre d’intelligences, ne pouvait entretenir les oiseaux aussi bien que les quadrupèdes, les créatures volantes aussi bien que les rampantes, et si les hue et dia, que cocotte peut comprendre, étaient le meilleur langage. Comme s’il n’était de salut que dans la stupidité. Ce que je crains surtout, c’est que mon expression ne puisse être assez extra-vagante – ne puisse s’éloigner assez des bornes étroites de mon expérience quotidienne, pour être adéquate à la vérité dont j’ai été convaincu. Extravagance ! cela dépend de la façon dont vous êtes parqué. Le bison migrateur, en quête de nouveaux pâturages sous d’autres latitudes, n’est pas aussi extravagant que la vache qui d’un coup de pied renverse le seau, franchit la clôture et court après son veau, à l’heure de la traite. Je désire trouver où parler hors de limites ; tel un homme en un moment de veille à des hommes en leurs moments de veille ; car je suis convaincu de ne pouvoir assez exagérer même pour poser la base d’une expression vraie. Qui donc ayant entendu un accord de musique craignit de jamais plus à