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comment ses veines épuisées et débauchées se gonflent de joie silencieuse et bénissent le jour nouveau, sentent l’influence du printemps avec l’innocence du premier âge, et voilà toutes ses fautes oubliées. Ce n’est pas seulement d’une atmosphère de bon vouloir qu’il est entouré, mais mieux, d’un parfum de sainteté cherchant à s’exprimer, en aveugle, sans effet, peut-être, tel un instinct nouveau-né, et durant une heure le versant sud de la colline n’est l’écho de nulle vulgaire plaisanterie. Vous voyez de son écorce noueuse d’innocentes belles pousses se préparer à jaillir pour tenter l’essai d’une nouvelle année de vie, tendre et fraîche comme la plus jeune plante. Oui, le voilà entré dans la joie de son Seigneur. Qu’a donc le geôlier à ne laisser ouvertes ses portes de prison, – le juge à ne renvoyer l’accusé, – le prédicateur à ne congédier ses ouailles ! C’est qu’ils n’obéissent pas à l’avis qu’à demi-mot Dieu leur donne, ni n’acceptent le pardon que sans réserve Il offre à tous.

« Un retour à la bonté produit chaque jour dans la tranquille et bienfaisante haleine du matin, fait qu’au regard de l’amour de la vertu et de la haine du vice on approche un peu de la nature primitive de l’homme, tel les rejetons de la forêt qui fut abattue. De semblable manière le mal que l’on fait dans la durée d’un jour empêche les germes de vertus qui commençaient à rejaillir de se développer, et les détruit.

« Une fois que les germes de vertu se sont ainsi vus empêchés à maintes reprises de se développer, le souffle bienfaisant du soir ne suffit pas à les conserver. Dès que le souffle du soir ne suffit plus à les conserver, la nature de l’homme, alors, ne diffère pas beaucoup de celle de la brute. Les hommes, en voyant que la nature de cet homme ressemble à celle d’une brute, croient qu’il n’a jamais possédé le sens inné de la raison. Sont-ce là les vrais et naturels sentiments de l’homme ? »

« The Golden Age was first created, which without any avenger
Spontaneously without law cherished fidelity and rectitude.
Punishment and fear were not ; nor were threatening words read
On suspended brass ; nor did the suppliant crowd fear
The words of their judge ; but were safe without an avenger.
Nor yet the pine felled on its mountains had descended
To the liquid waves that it might see a foreign world,
And mortals knew no shores but their own.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

There was eternal spring, and placid zephyrs with warm

Blasts soothed the flowers born without seed[1]. »

  1. Ovide, Métamorphoses. (Traduit en anglais sans doute par Thoreau.)

    « L’âge d’or fut tout d’abord créé, qui sans nul justicier,
    Spontanément sans loi chérit fidélité, droiture.
    N’étaient ni châtiment, ni crainte ; non plus que nuls termes de menace
    Sur l’airain suspendu ; ni ne redoutait la parole de ses juges
    La foule suppliante, sauve alors sans vengeur.
    Non encore le pin abattu sur ses montagnes n’était descendu
    Vers l’élément liquide afin d’aller voir un monde étranger,
    Les mortels ignoraient d’autres rives que les leurs.

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    Il régnait un printemps éternel et les calmes zéphyrs caressaient

    De leurs chauds effluves les fleurs nées sans graine.