d’abord doucement mordillé, émietté, mais pour à la longue se soulever et éparpiller ses débris le long de l’île à une hauteur considérable avant d’en venir à une halte.
Enfin les rayons du soleil ont atteint l’angle droit, les vents chauds, qui soulèvent le brouillard et la pluie, fondent les bancs de neige, et le soleil dispersant le brouillard sourit sur un paysage bigarré de roux et de blanc tout fumant d’encens, à travers lequel le voyageur se choisit un chemin d’îlot en îlot, salué par l’harmonie de mille ruisseaux et ruisselets tintants, dont les veines sont gonflées du sang de l’hiver qu’ils emportent.
L’observation de peu de phénomènes me causa plus de ravissement que celle des formes affectées par le sable et l’argile en dégel lorsqu’ils coulent le long des talus d’une profonde tranchée de chemin de fer à travers laquelle je passais en allant au village, phénomène peu commun sur une si grande échelle, quoique le nombre des remblais fraîchement aplanis de la matière propice doive s’être grandement multiplié depuis que les chemins de fer ont été inventés. La matière était du sable de tous les degrés de finesse et de diverses autant que riches couleurs, en général mêlé d’un peu d’argile. Lorsqu’au printemps le gel sort, et même en hiver s’il survient un jour de dégel, le sable se met à fluer comme lave le long des pentes, parfois crevant la neige et l’affleurant là où nul sable ne s’attendait auparavant. D’innombrables petits filets d’eau se croisent et s’entrelacent, montrant une sorte de produit hybride, qui obéit moitié du chemin aux lois des courants, et moitié à celles de la végétation. En coulant il affecte la forme de feuilles ou de pampres gonflés de sève, et produit des amas de ramilles pulpeuses d’un pied au moins de profondeur, qui ressemblent, vues de haut en bas, aux thalles lobés, laciniés et imbriqués de quelques lichens ; à moins que cela ne vous fasse penser à du corail, à des pattes de léopard ou d’oiseaux, à des cervelles, des poumons ou des entrailles, et à des excréments de toute nature. Il s’agit d’une végétation véritablement grotesque, dont nous avons là les formes et la couleur imitées en bronze – une sorte de feuillage architectural plus ancien et plus symbolique que l’acanthe, la chicorée, le lierre, la vigne, ou n’importe quelles autres feuilles végétales ; destiné, peut-être, dans certaines conditions, à devenir un rébus pour les géologues futurs. La tranchée tout entière me fit l’effet d’une grotte dont les stalactites seraient exposées au jour. Les nuances variées du sable sont singulièrement riches et agréables, qui embrassent les différentes couleurs du fer – brun, gris, jaunâtre et rougeâtre. Lorsque la masse fluante atteint la rigole qui court au pied du remblai, elle s’étale plus unie en torons, les filets d’eau distincts perdant leur forme semi-cylindrique pour se faire peu à peu plus plats et plus larges, et se réunissant