Page:Thoreau - Walden, 1922.djvu/184

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pour eux en cette solitude ou toute autre du règne végétal, – des chasseurs aussi bien que des pêcheurs d’hommes. Jusqu’ici je suis de l’opinion de la nonne de Chaucer, qui

______« yave not of the text a pulled hen
That saith that hunters ben not holy men. »[1]

Il est une période dans l’histoire de l’individu aussi bien que de la race, où les chasseurs sont l’« élite », comme les appelaient les Algonquins. Nous ne pouvons que plaindre le jeune garçon qui n’a jamais tiré un coup de fusil ; il n’en est pas plus humain, c’est son éducation qui a été tristement négligée. Telle fut ma réponse pour ce qui est de ces jeunes gens que telle question préoccupait, sûr qu’ils ne tarderaient pas à être au-dessus d’elle. Nul être humain passé l’âge insouciant de la jeunesse, ne tuera de gaieté de cœur la créature, quelle qu’elle soit, qui tient sa vie du même droit que lui. Le lièvre aux abois crie comme un enfant. Je vous préviens, ô mères, que mes sympathies ne font pas toujours les distinctions philanthropiques d’usage.

Telle est le plus souvent la présentation du jeune homme à la forêt, et tel ce qu’il porte en lui de plus originel. Il y va d’abord en chasseur et en pêcheur, jusqu’au jour où, s’il détient les semences d’une vie meilleure, il distingue ses propres fins, comme poète ou naturaliste peut-être, et laisse là le fusil aussi bien que la canne à pêche. La masse des hommes est encore et toujours jeune à cet égard. En certains pays ce n’est spectacle rare qu’un curé chasseur. Tel pourrait faire un bon chien de berger, qui est loin de se montrer le Bon Berger. J’ai été surpris de reconnaître que, à part le fendage du bois, le découpage de la glace, ou autre affaire de ce genre, la seule occupation évidente qui jamais à ma connaissance ait retenu toute une demi-journée à l’Étang de Walden l’un quelconque de mes concitoyens, pères ou enfants de la ville, à part une seule exception, était la pêche. En général ils ne s’estimaient fortunés, ou bien payés de leur temps, qu’ils n’eussent pris quelque longue brochette de poisson, malgré l’occasion pour eux d’avoir eu tout le temps Walden sous les yeux. Mille fois pourraient-ils y aller avant que le sédiment de pêche coulant au fond laisse pure leur intention ; mais nul doute que tel procédé de clarification ne cesse un instant de poursuivre son œuvre. Le gouverneur et son conseil gardent un vague souvenir de l’étang, car ils allèrent y pêcher lorsqu’ils étaient enfants ; mais ils sont maintenant trop vieux et trop importants pour aller à la pêche, aussi en est-ce fini pour eux de le con-


  1. ______« ne donnera pas du texte une poule plumée,
    Où les chasseurs sont dits n’être pas de saints hommes. »