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vieilles gens m’assurent l’avoir entendu raconter dans leur jeunesse – suivant laquelle anciennement les Indiens tenaient là un paw-waw[1] sur une montagne aussi haut dressée dans les cieux que l’étang s’enfonce aujourd’hui profondément dans la terre, et employaient, comme dit l’histoire, un langage assez profane, quoique ce vice soit l’un de ceux dont les Indiens ne se rendirent jamais coupables, lorsque dans le temps où ils étaient de la sorte occupés la montagne trembla et soudain s’abîma, pour seule une vieille squaw, nommée Walden, survivre, de qui l’étang tient son nom. On a supposé que lorsque la montagne trembla, ces pierres-ci roulèrent à bas de son flanc pour devenir la présente rive. Il est, en tout cas, on ne peut plus certain que jadis il n’y avait pas, ici, d’étang, et qu’aujourd’hui il y en a un ; cette fable indienne ne contredit donc sous aucun rapport le récit de cet ancien colon, que j’ai mentionné, qui se rappelle si bien le temps où pour la première fois il vint ici avec sa baguette divinatoire, vit un mince filet de vapeur s’élever au-dessus de la pelouse, et où la baguette de coudrier pointa sans hésiter vers le sol, ce qui le décida à y creuser un puits. Pour ce qui est des pierres, beaucoup croient encore qu’on ne peut que difficilement les imputer à l’action des vagues sur ces collines-ci, mais j’observe que les collines environnantes sont étonnamment remplies de pierres du même genre, au point qu’il a fallu les empiler en murailles des deux côtés de la tranchée du chemin de fer la plus voisine de l’étang ; d’ailleurs, c’est où la rive est le plus escarpée qu’il y a le plus de pierres ; ce qui fait que, pour mon malheur, ce n’est plus un mystère pour moi. Je découvre le paveur[2]. Si le nom ne dérivait de celui de quelque localité anglaise – Saffron Walden[3], par exemple – on pourrait supposer qu’à l’origine on l’appela l’Étang Walled-in[4].

L’étang était mon puits tout creusé. Durant quatre mois de l’année son eau est aussi froide qu’elle est pure en toute saison ; et je la crois aussi bonne alors que n’importe quelle autre, sinon la meilleure de la commune. En hiver, toute eau exposée à l’air est plus froide que celle des sources et des puits qui en sont à l’abri. La température de l’eau d’étang, qui avait séjourné dans la pièce où je me tenais de cinq heures de l’après-midi au lendemain midi, le six mars 1846, le thermomètre étant monté à 65° ou 70°[5] une partie du temps, un peu à cause du soleil qui chauffait le toit, était de 42°[6], ou d’un

  1. Assemblée.
  2. Le glacier qui au cours de la période glaciaire apporta là ces pierres.
  3. Ville du comté d’Essex, en Angleterre.
  4. Emmuré.
  5. 18°ou 21°centigrades.
  6. 5°centigrades.