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il remède. Dieu est miséricors. Tout n’est pas mort, quant que gist en péril. —

O ! duc de Berry, noble prince, excellent souche et estoc des enfans royaulx, filz de roy de France, frère et oncle, père d’antiquité de la fleur de liz toute ! Comment est-il possible que ton très bénigne cuer puist souffrir te veoir, à journée précise, en assemblée de bataille mortèle à doulereuses armes contre tes nepveux ? Je ne croy pas que la souvenance de la très grant amour naturèle de leurs pères et mères, tes très amez frères et seurs trespassez, souffrist à nature que lermes et pleurs ne décourussent comme fontaine tout au long de ta face, et que ton noble cuer ne feust de pitié si comme touz fonduz qu’à paines te soustendroies. Hélas ! quelle douleur à veoir le plus noble oncle qui aujourd’ui vive, comme de trois roys, de six ducs et de tant de contes, en assemblée mortèle contre sa propre chair, et les nepveux qui tant doivent de révérence à si noble oncle, si comme à père, contre lui on bataille ! O noble sang de France non reprouchié ! Comment pourrois-tu, très noble nature, endurer, jà la journée ne puist venir ! que tèle honte advieigne, que ceulx qui estre seullent pilliers de foy, sousteneurs de l’église, par quel vertu, force et savoir est toujours soustenue et pacifiée, et qui entre toutes nacions sont nommez les très chrétiens acroisseurs de paix, amis de concorde, vieignent adès à tel inconvénient ?

Or viens doncques, viens, noble duc de Berry, prince de haulte excellence, et suy la loy divine qui commande paix. Saisy la bride par grant force et arreste ceste non