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Ne vois-tu le besoing ? Car ja semble comme Nynyve que Dieu l’ait à périr condampnée, et que son yre par les griefz péchiez qui y habondent l’ait acueillie, dont la chose est en grant doubte, se la sentence n’est révoquée par intercession de dévote oroison.

Assurez donques, peuples ! Dévotes femelettes, criez miséricorde pour ceste grief tempeste. Ha ! France ! France, jadiz glorieux royaume ! Hélas ! comment diray-je plus ? Car très amers plours et lermes incessables déchiéent comme ruisseaux sur mon papier, si qu’il n’y a place seiche où puisse continuer l’escripture de la complainte très douloureuse, que l’abondance de mon cuer par grant pitié de toy veult getter hors. Si que assez sont occuppées les lasses mains laissent souvent la penne de quoy je escripz, pour rendre la veue à mes yeulx troublez en touchant les lermes dont l’abondance me moille piz et giron, quand je pense ce que diront de toy désoremaiz les renommées. Car ne seras-tu pas acomparée de cy en avant aus estranges nacions, là où les frères germains, cousins et parens par faulse envie et convoitise s’entre-ocient comme chiens ? Ne diront-ilz en reprouchant : « Alez, alez, vous François, qui vous vantiez du doulz sang de voz princes, non tyrans, et nous escharnissiez de nos usaiges de guelfes et guibelins. Or sont-ils nez en vostre terre. La semence y est germée, que jà n’y fauldra ; les pais y sont venuz. Or abaissiez voz cornes, car vostre gloire est deffaillie.

Hémi ! lasse, très doulce France ! C’est-il donques avisé qu’en tel péril soies ? certes oyl. Mais encores y a